Comme chaque dimanche, la première lecture tirée de l’Ancien Testament prépare comme une prophétie la lecture de l’évangile, qui en est l’accomplissement.
D’où partons nous ? Jésus selon l’évangile de Matthieu, chapitre 5, 38-39 demande à ses disciples « Vous avez appris qu’il a été dit : « Œil pour œil, et dent pour dent. Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ». C’était la fameuse loi du Talion. « Oeil pour oeil, dent pour dent ». Elle représentait déjà une régulation de notre désir spontané de vengeance et évitait toute escalade de violence. D’ailleurs la notion contemporaine de légitime défense procède du même esprit en exigeant que toute riposte soit proportionnée à l’attaque. Mais elle peut quand même conduire à des violences et de contre-violences n’ayant jamais de fin.
Il y a un moment, il faut arrêter ce cycle infernal.
C’est ce que fait le jeune David. Le roi Saül avait deviné que le jeune David, lui succéderait un jour et il se mit à le haïr et décida de le supprimer. David dû fuir. Au cours de la poursuite, le hasard livra Saül entre les mains de David. Et celui-ci, contre l’avis de tous, renonça à tuer le roi Saül : « Le Seigneur rendra à chacun selon sa justice et sa fidélité.
Aujourd’hui, le Seigneur t’avait livré entre mes mains,
mais je n’ai pas voulu porter la main sur le messie du Seigneur. » David a ainsi rompu la chaine de la haine.
Guy Coponet, vieux monsieur de 92 ans, paroissien rescapé de l’attentat de St Etienne du Rouvray, qui a couté la vie au père Hamel, témoignait lors du procès qui se tient actuellement : « quand on ne pardonne pas, ça devient forcément de la haine. C’est invivable. » Il dira aussi cette parole magnifique : « un homme, c’est plein d’amour, bon sang. C’est l’amour qui dirige le monde. ». En tout cas c’est l’amour qui dirige sa vie à lui, comme celle de Roselyne, la soeur du père Hamel, qui a témoigné : « la haine, çà ne nous a même pas effleuré. »
Frères et soeurs, c’est qu’entre la loi du Talion et ces paroles pleines de foi, il y a eu le jeune David, figure anticipatrice de notre Seigneur Jésus, et Jésus lui-même qui nous demande, ce qui est encore plus que la renonciation de David à la vengeance : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. » (Première parenthèse, remarquez qu’il ne nous demande pas de ne pas avoir d’ennemis, c’est un fait, nous en avons. Mais il nous demande de leur faire du bien. C’est plus facile à dire qu’à faire, surtout dans les pays en guerre ou avec des régimes totalitaires. On prie ce dimanche particulièrement pour la paix en Ukraine.) Car nos ennemis sont comme nous, ils ont une âme, ils sont sauvés par la passion de Jésus. La prière attribuée à Saint François d’Assise est une boussole sûre : « Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix, Là où est la haine, que je mette l’amour. »
(Seconde parenthèse, faire du bien à nos ennemis n’est pas de renoncer à la justice, en particulier à la justice des hommes. Le procès de l’assassinat du père Hamel nous le prouve. Il faut parfois dire des choses, pour le bien de l’âme de l’ennemi.)
La conclusion de notre évangile nous donne de l’espérance : « Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ;
car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. ». Non seulement la chaine de la haine sera brisée, mais ce sera une chaine d’amour.
(Troisième parenthèse : Veuillez me croire, nous n’avons pas choisi ce dimanche d’action de grâce et de prière pour les donateurs du diocèse en raison de ce passage de l’évangile, pour vous inviter à donner plus, mais avouez que cela tombe bien !)
Quelques mots sur le don à l’occasion de cette messe pour les donateurs : Nous expérimentons que le don est comme un exercice pratique de la générosité et du par-don, surtout si de temps en temps nous faisons des dons exceptionnels, qui nous coûtent réellement. C’est comme un entraînement. Si nous donnons, nous apprenons à mettre notre confiance en Dieu et cela peut guérir en nous la peur de manquer, qui peut entraîner à une vengeance. Ceci permet de comprendre que notre don est plus qu’un acte de charité, plus qu’une générosité, c’est un acte spirituel.
Saint Paul, dans notre seconde lecture a une expression extraordinaire : « Comme Adam est fait d’argile, ainsi les hommes sont faits d’argile ; comme le Christ est du ciel,
ainsi les hommes seront du ciel. » En fait, ce que nous propose Jésus ce sont les moeurs du Ciel, les modes de vie du Ciel, dès ici-bas. Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Et bien ma joie en suivant ce procès de St Etienne du Rouvray, c’est que des Chrétiens sont vraiment chrétiens. La parole de Jésus est féconde. Amen !