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L’Eglise une sainte catholique et apostolique, qu’est-ce à dire ? 1ère conférence de Carême par Mgr Xavier Malle

Dimanche 6 mars 2022 au Sanctuaire Notre-Dame du Laus

Les thèmes de nos conférences de Carême portent cette année sur l’Église.

Je l’ai voulu pour deux raisons :

  • D’abord la remise du rapport de la CIASE et les décisions des évêques pour faire de notre Église une maison sûre. Peut-on encore parler d’Église Sainte dans ces conditions ?
  • Puis la décision de notre Saint Père, le pape François, a convoqué l’Église universelle en Synode. Ce mot de synode, syn+odos en grec, ensemble sur le chemin, est une bonne définition de ce qu’est l’Église en profondeur : Dieu est avec nous sur ce chemin, et nous avec Dieu sur ce chemin, le chemin de Dieu sur la terre. L’Église n’est pas Dieu, mais elle est l’Église de Dieu.

Alors cette après-midi, je vous propose de nous arrêter un instant sur ce qu’on appelle les notes l’Église, ces 4 adjectifs que nous avons dans le Credo, une sainte catholique et apostolique.

Outre l’Écriture, je vais utiliser trois sources principales (MONTRER LES LIVRES) : le concile et sa constitution sur l’Eglise, Lumen Gentium , un livre du cardinal jésuite de Lubac : Méditation sur l’Église, qui reste indépassable, et un livre d’actualité, de Dom Dysmas de Lassus, prieur de Chartreuse, Risques et dérives de la vie religieuse, 2020.

Mais en introduction, je voudrais, relever un fait préalable : la base de toute réflexion sur l’Église est ma propre expérience d’Église. Quelle est mon expérience de l’Église ? Deux choses : 

  1. C’est un itinéraire

– Un itinéraire d’expériences concrètes

  • Cette expérience est personnelle, à chacun, par rapport à l’Église universelle et par rapport à mon Église particulière diocésaine : découverte récente ou de toujours, image de mon Curé d’enfance, d’un aumônier d’école, grands rassemblements style JMJ… 
    • Cette expérience primaire a des conséquences sur ma compréhension de l’Église et mon rapport avec elle
    • Cette expérience évolue au cours de la vie (ex : mon image du Curé). Donc ma compréhension et mon expérience de l’Église évoluent.

– Un itinéraire de foi : je confesse le Credo sur l’Église, mais la réalisation de ma foi est plus faible que ma profession de foi  donc je suis en chemin pour vivre toujours plus profondément ma profession de foi.

  • L’Église elle-même est en chemin

– Car l’Église a une double nature, d’où l’analogie de Lumen Gentium 8, le grand texte du concile Vatican II sur l’Église, analogie avec le Verbe Incarné et donc 2 caractéristiques :

  • humaine : une communauté humaine, la communauté des croyants en Jésus Christ  il y a des changements ; la réalité de l’Église et son auto compréhension évolue.
    • céleste : son origine divine  il y a des constantes, quels que soient les changements socioculturels.

– De par sa double nature l’Église reste un mystère pour le croyant, comme Dieu. Mais dire que c’est un mystère, c’est à la fois dire qu’on est loin d’une connaissance complète et que son accès se fait par une révélation. On comprend alors que la compréhension de l’Église est impossible sans la révélation et sans la foi, sinon, comme la plupart des journalistes, on voit seulement le niveau humain.

Le cardinal Henri de Lubac écrivait : « Ce mystère nous est largement entr’ouvert, mais sa profondeur défie nos prises. Intelligible, certes ! mais non ‘compréhensible’. » (Cardinal Henri de Lubac, « Méditation sur l’Église », édition 1985 page 20) 

– L’Église progresse dans son auto-compréhension par un dialogue avec Dieu. Le point de départ contemporain, c’est Vatican II, selon la lettre Novo Millennio Ineunte du 6 janvier 2001 à l’issue du grand jubilé de l’an 2000, au § 57 : Vatican II est « la grande grâce dont l’Église a bénéficié au XXème siècle, boussole fiable pour le nouveau siècle. »

Ainsi, 2 choses dialoguent dans le croyant : son expérience concrète et les concepts théologiques qui mettent sur papier ce que l’Église comprend d’elle-même.

Mon propos sera en trois parties. Parlant dans un sanctuaire marial, je vais accentuer aussi la mission de Marie dans cette Église.

Ière partie : Je bâtirai mon Église, dit Jésus.

  1. L’Église de Jésus, l’épouse de l’Agneau

Mt 16, 18 « Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. »

  • Mon Église ! Ô combien ce petit pronom est important !

Autre texte important pour comprendre l’Église, Ap 21, 9b-14

09b Alors arriva l’un des sept anges (…) il me parla ainsi : « Viens, je te montrerai la Femme, l’Épouse de l’Agneau. »

10 En esprit, il m’emporta sur une grande et haute montagne ; il me montra la Ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu : 11 elle avait en elle la gloire de Dieu ; son éclat était celui d’une pierre très précieuse, comme le jaspe cristallin. 12 Elle avait une grande et haute muraille, avec douze portes et, sur ces portes, douze anges ; des noms y étaient inscrits : ceux des douze tribus des fils d’Israël. 13 Il y avait trois portes à l’orient, trois au nord, trois au midi, et trois à l’occident. 14 La muraille de la ville reposait sur douze fondations portant les douze noms des douze Apôtres de l’Agneau.

  • L’épouse de l’Agneau, l’Église.

NB : Épouse ? A mon ordination épiscopale, j’ai reçu un anneau. Mais ne nous trompons pas ; ce n’est pas l’évêque qui est l’époux de l’épouse, mais le Christ qui est l’époux, et l’évêque en est le signe, le sacrement. Son anneau épiscopal est signe. D’ailleurs, quand il change d’évêché par obéissance, il n’est pas infidèle à son épouse. (Suggéré par une méditation de Mgr Dominique Blanchet quand il est passé de Belfort à Créteil)

Dans le CEC, il y a peu de photos, une au début de chacune des 4 parties. La photo au début de la seconde partie sur les sacrements est une fresque d’une catacombe du 4ème siècle représentant la rencontre de Jésus avec la femme hémorroïsse. Cette femme, souffrante depuis de longues années, est guérie en touchant le manteau de Jésus par la « force qui était sortie de Lui » (cf. Mc 5, 25-34).

Les sacrements de l’Église continuent maintenant les œuvres que le Christ avait accomplies durant sa vie terrestre. Les sacrements sont comme ces « forces qui sortent » du Corps du Christ, pour nous guérir des blessures du péché et pour nous donner la vie nouvelle du Christ.

Je me servais de cette image pour commencer la préparation au sacrement de l’onction des malades quand j’étais curé pour la journée de prière pour les malades aux alentours du 11 février, fête de ND de Lourdes !

>> Elle résume ce qu’est l’Église en profondeur et sa mission : elle est le corps du Christ nous dit St Paul, elle continue maintenant sa mission de Sauveur.

On comprend alors également la centralité des sacrements dans la vie des chrétiens.

LG 1 : « L’Église étant, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain. » Cette mission de salut est aussi décrite d’une autre manière dans LG1 : « Le Christ est la lumière des peuples ; réuni dans l’Esprit Saint, le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes les créatures la bonne nouvelle de l’Évangile répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église. »

On comprend alors enfin l’attachement de Marie à l’église de son Fils. Mère du Verbe Incarné, elle est aussi mère de l’Église.

Comme Marie est mère de Jésus, elle est mère de l’Église, mais elle est aussi dans l’Église. Le jésuite récemment décédé, André Manaranche, écrivait :

« La Vierge n’échappe pas à la Rédemption, simplement, par son Immaculée Conception, elle est sauvée par préservation et non par libération ; mais tout en elle dépend du Christ, comme chacun de nous. Marie est donc nôtre : elle ne nous surplombe pas du haut d’un nuage. Et si elle est déjà ressuscitée, c’est pour nous attirer vers le ciel, non pour nous fuir. Elle est la première de nous à posséder cette gloire que nous désirons tous. Là elle ne reste pas passive : elle poursuit son activité de mère., et c‘est dans ce rôle qu’elle exerce une certaine médiation, nullement concurrente de celle du Chrst. » (André Manaranche « J’aime mon Église », paris 1991, page 331-332

  1. Entre charisme et institution

« Jésus annonçait le Royaume, et c’est l’Église qui est venu. » Cette fameuse phrase écrite en 1902, par un prêtre excommunié, l’abbé Loisy, est le porte-drapeau de ceux qui veulent opposer l’évangile et l’institution. 

Mais, remarque Dom Dysmas, supérieur de la Grande Chartreuse, « L’Église a besoin d’institutions parce que ‘Jésus n’est pas seulement venu pour sauver les âmes et les conduire au ciel ; il est venu se constituer un peuple’. » (Don Dysmas page 80, citant E.D.O’Connor, Charisme et institution, NRT 1974, t.96-1)

Le Philosophe Paul Ricoeur présente « l’institution comme ‘la structure du vivre ensemble d’une communauté historique ‘ ». (Don Dysmas, page 81)

« Pourquoi structurer le vivre ensemble ? Parce que si rien ne règle les relations entre les personnes, la loi la plus archaïque – celle du plus fort – se mettra en place rapidement. ‘Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit’ disait Lacordaire.  (Don Dysmas page 81)

« Charisme et institution peuvent être comparés à la sève et à la fibre d’un arbre. » (Comparaison d’O’Connor, op cit.) Dans l’Église, charisme et institutions sont conjoints d’une manière qui ne trouve pas d’équivalent dans une société profane. En effet, les institutions sont dans l’Église les véhicules privilégiés des charismes les plus précieux, comme l’Écriture, les sacrements et le ministère pastoral… » (Don Dysmas page 84)

Le don le plus spirituel qui soit, celui du Corps et du Sang du Christ, a été soumis à la réalité très institutionnelle de la succession apostolique. Ce lien charisme et institution trouve ses racines dans l’Ancien Testament.

« L’institution freine la vie et la protège. » (Don Dysmas page 86)

  1. LG8 résume cette partie

« Le Christ, unique médiateur, crée et continuellement soutient sur la terre, comme un tout visible, son Église sainte, communauté de foi, d’espérance et de charité, par laquelle il répand, à l’intention de tous, la vérité et la grâce. 

Cette société organisée hiérarchiquement d’une part et le corps mystique d’autre part, l’ensemble discernable aux yeux et la communauté spirituelle, l’Église terrestre et l’Église enrichie des biens célestes ne doivent pas être considérées comme deux choses, elles constituent au contraire une seule réalité complexe, faite d’un double élément humain et divin. 

C’est pourquoi, en vertu d’une analogie qui n’est pas sans valeur, on la compare au mystère du Verbe incarné. Tout comme en effet la nature prise par le Verbe divin est à son service comme un organe vivant de salut qui lui est indissolublement uni, de même le tout social que constitue l’Église est au service de l’Esprit du Christ qui lui donne la vie, en vue de la croissance du corps (cf. Ep 4, 16). »

IIème Partie : le Credo « Je crois […] en l’Église une, sainte, catholique et apostolique. » 

J’introduis cette partie en reprenant le Credo.

Symbole des apôtres : Je crois en l’Esprit-Saint, à la sainte Église catholique, à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair, à la vie éternelle. 

Symbole de Nicée- Constantinople en 381

Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; il procède du Père et du Fils ; avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire ; il a parlé par les prophètes.
Je crois en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique. 
Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés. J’attends la résurrection des morts, et la vie du monde à venir. 

>>> Dans ces deux credo, notez « qu’après la mention du Père créateur et du Fils rédempteur, vient celle de l’Esprit Sanctificateur. L’Église est alors introduite…. comme la première des œuvres de cet Esprit, avant la communion des saints, la rémission des péchés, la résurrection de la chaire et la vie éternelle. » 

« Nous affirmons que c’est en elle, par la foi qu’elle nous communique, que nous avons part à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection pour la Vie. »

(Cardinal Henri de Lubac, « Méditation sur l’Église », édition 1985 pages 22 et 24)

Nombre d’auteurs anciens remarquent un détail de vocabulaire : je crois en l’Église, comme je crois en Dieu. « En » Cela a été théorisé dans une distinction à trois branches : «  Par opposition au simple fait de croire à l’existence d’une chose ou d’un être (credere Deum), par opposition également au simple fait, déjà plus particulier, de croire à l’autorité de quelqu’un, c’est-à-dire d’admettre une vérité sur sa parole (credere Deo : croire à Dieu), la foi EN Dieu (credere in Deum) est unique : c’est qu’elle connaît une recherche, une marche, un mouvement de l’âme ; un élan personne, finalement une adhésion. »

(Cardinal Henri de Lubac, « Méditation sur l’Église », édition 1985 page 27)

Le symbole de Nicée-Constantinople introduit « quatre attributs, inséparablement liés entre eux, (qui) indiquent destraits essentiels de l’Église et de sa mission. L’Église ne les tient pas d’elle-même ; c’est le Christ qui, par l’Esprit Saint, donne à son Église, d’être une, sainte, catholique et apostolique, et c’est encore Lui qui l’appelle à réaliser chacune de ces qualités. » (CEC 811)

>>> Ces notes sont donc à la fois l’essence de l’Église et sa mission (les réaliser en elle et dans le monde).

I. L’unité de l’Église

A. « Je crois en l’Église une »

Cette unité appartient à l’essence même de l’Église : l’Église est une de par sa source (l’unité dans la Trinité), de par son fondateur (le Christ), de par son âme (l’Esprit Saint). Dans son existence, elle est une quand les baptisés sont unis au Christ.

  • Une unité dans la diversité – une unité harmonie

Mais c’est une unité dans la diversité, déjà attestée dans le Nouveau Testament, fondée théologiquement dans le principe de communion entre les Églises particulières (cf. LG 13 et Notio Communionis CDF 1992).

Vincent Neymon, ancien responsable de la communication de la CEF, avec qui j’ai travaillé comme membre du conseil national de la communication, a envoyé une lettre aux évêques à l’occasion de son départ, datée du 7 juillet 2021 : « Observatoire unique de notre Église, la Conférence (des Évêques de France) m’a permis de la percevoir dans sa diversité bien sûr, mais bien plus, de comprendre que cette diversité est sa richesse, son essence même. La mission de communicant en Église est unique car elle trouve sa justification dans cette diversité et non pas dans une tentative de voix unique qui serait contraire à ce que nous sommes. Vous-mêmes, évêques, m’avez montré que vos différences s’enracinaient profondément dans votre fraternité ; cette fraternité palpable dans les temps de rassemblements que vous vivez à Lourdes ou ailleurs. Merci pour ce signe fort que vous donnez au monde et qu’il m’a été toujours heureux de tenter de refléter dans ma mission. »

Don Dysmas ; L’unité, uniformité ou harmonie ? (page 119s)

« Une unité fabriquée sur le principe du moule ne peut aboutir qu’à violenter les personnes, puisqu’il faudra sans cesse en retrancher ce qui dépasse.

La clef de l’unité réside dans le regard posé sur la différence. Pour la maison de Dieu, souhaite-t-on un mur de parpaings tous identiques, ou un mur en pierres toutes différentes dont l’ajustement demandera beaucoup plus de savoir-faire, mais dont la beauté est incomparablement supérieure ? Le premier mur n’est qu’une unité uniformité, le deuxième une unité-harmonie. »

Peut-être que Don Dysmas a tiré cette expression d’un livre de Gustave Thibon : L’équilibre ou l’harmonie en 1976. Gustave Thibon y met en exergue une phrase de Victor Hugo : « Au-dessus de l’équilibre, il y a l’harmonie. Au-dessus de la balance, il y a la lyre. » Et il commente dans sa préface :

« Deux poids égaux se font équilibre sur les plateaux d’une balance, plusieurs notes différents dans une phrase musicale produisent une harmonie. L’équilibre concerne uniquement la quantité, la pesanteur, les rapports de force. L’harmonie implique la qualité et la convergence des qualités vers une fin commune. (…) La névrose égalitaire qui agite notre époque s’explique par l’oubli de cette distinction essentielle. Le principe d’égalité qui s’exprime par la loi du nombre, concerne uniquement la quantité et ne laisse place qu’aux rapports de force entre des êtres et des groupes qu’aucun lien interne ne relie entre eux. D’où le conflit, érigé en loi permanente des sociétés, la généralisation de la violence qui devient de plus en plus le seul moyen de se faire entendre et d’obtenir satisfaction. »

Cela aurait pu décrire la violence des manifestations de rue contemporaines…

Le pape parle d’un ‘polyèdre’. J’ai découvert ce mot car je ne suis pas du tout mathématicien. Il s’agit d’une forme géométrique à trois dimensions ayant des faces planes polygonales qui se rencontrent selon des segments de droite qu’on appelle arêtes. Le mot polyèdre, signifiant à plusieurs faces.

S’il a convoqué toute l’Église en synode, c’est aussi pour qu’elle progresse en unité harmonie. Il dit d’ailleurs que l’essentiel n’est pas de produire du papier et des résolutions, mais d’exercer le marcher ensemble, de faire l’expérience du synode.

C. « Ut unum sint » (1995)

« Au Concile Vatican II, l’Église catholique s’est engagée de manière irréversible à prendre la voie de la recherche œcuménique. » (UUS 3)

Unitatis Redintegratio est le décret sur l’œcuménisme du concile Vatican II en 1964, avec trois points principaux :

– la recherche de l’unité est indispensable pour la crédibilité de la mission et pour répondre aux modèles de la Trinité, du Christ avec les apôtres et des 11 avec Pierre ;

– il y a deux types de divisions, celles de la foi (la doctrine) provoquant les hérésies et celles de la charité (la discipline), provoquant le schisme ;

– mais les torts sont partagés et les divisions n’ont jamais été complètes.

On est passé d’un œcuménisme « de retour » à un œcuménisme « chemin commun » vers la communion. Ce chemin est une autoroute à sept voies, décrites en CEC 821 : renouveau de l’Église, conversion du cœur, prière en commun, connaissance réciproque fraternelle, formation œcuménique, dialogue entre théologiens et rencontres entre chrétiens, collaboration pour le service des hommes.

II. La sainteté de l’Église

  1. Difficile de parler de sainteté dans l’Église actuellement

Après la publication du rapport de la CIASE. Et en parallèle, un missionnaire montfortain, le père Olivier Maire a donné sa vie cet été pour la charité, par l’hospitalité. Il y a un côté lumineux de l’Église, lumière placée sur le candélabre pour éclairer l’humanité, mais aussi une face obscure, mise en lumière pourrait-on dire par ces abus sur mineurs.

« L’Église est pour l’incroyant que le Père n’attire pas encore un obstacle. Pour le croyant, elle peut être une épreuve, et il est bon qu’elle le soit, épreuve sentie par lui d’autant plus vivement peut-être que sa foi se voudrait plus vive et plus pure. » (Cardinal Henri de Lubac, « Méditation sur l’Église », édition 1985 page 37)

« Combien plus scandaleuse encore, combien plus folle, cette croyance à une Église où non seulement le divin et l’humain sont unis, mais où le divin s’offre obligatoirement à nous à travers le trop humain ! » « Les hommes d’Église, laïcs ou clercs, n’ont pas hérité du privilège qui faisait dire hardiment à Jésus : ‘Lequel d’entre vous me convaincra de péché ?’ »

(Cardinal Henri de Lubac, « Méditation sur l’Église », édition 1985 page 39)

Vincent Neymon, lettre aux évêques à l’occasion de son départ, datée du 7 juillet 2021 :

« Depuis janvier 2015, l’Église – en France et dans le monde – a traversé et traverse encore de fortes turbulences. Elle s’est découverte fragile, fautive, honteuse. Elle a été attaquée, combattue sur différents plans et a même vu assassinés ses serviteurs et ses fidèles. (…) Je tiens surtout à vous dire ma conviction que notre Église sort grandie de ces épreuves. Dimanche dernier, je pensais bien à vous et aux fidèles dont je suis en entendant cette parole de Saint Paul : « C’est pourquoi j’accepte de grand cœur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » Cette conviction, je l’appuie sur deux constats : celui de la société – dont les journalistes – qui a changé son regard sur l’Église depuis qu’elle traverse ces épreuves, et celui de ma foi personnelle qui s’est si heureusement étayée au cours de ces années. »

  • C’est la présence divine qui la rend sainte

Dans le langage biblique, la sainteté, avant d’exprimer la sainteté morale et existentielle du fidèle, renvoie à la consécration réalisée par Dieu par l’élection et par la grâce. C’est donc la présence divine qui rends saint ; c’est le Dieu qui se penche dont je parlais en homélie ce matin. Cette présence divine est signifiée et vécue dans la Liturgie.

On comprend alors les 3 adjectifs qui selon Vatican II caractérisent la sainteté de l’Église : 

1. Indéfectible : « L’Église […] est aux yeux de la foi indéfectiblement sainte » (LG 39), c’est à dire qu’elle ne peut cesser de l’être. 

2. Vrai : « Sur terre, l’Église est parée d’une sainteté véritable […] » (LG 48), à un triple niveau, objectif (ses sacrements, la Parole de Dieu, sa structure), subjectif (l’élection et sa réponse), historique (les saints).

3. Imparfaite : « […] bien qu’imparfaite » (suite LG 48), car la sainteté n’est pas la perfection : 

– « L’Eglise […] trouvera dans le Christ sa définitive perfection. » (LG 48)

– « L’Eglise qui enferme des pécheurs dans son propre sein est donc à la fois sainte et appelée à se purifier et poursuis constamment son effort de pénitence et de renouvellement. » (LG 8)

Mais autant la sainteté est révélatrice de son essence, autant le péché de ses membres est en contradiction, « véritables formes de contre-témoignage et de scandale  » (TMA 33)

  • C’est un trésor dans des vases d’argile

2Co 5, 7

05 (…) Ce que nous proclamons, ce n’est pas nous-mêmes ; c’est ceci : Jésus Christ est le Seigneur ; et nous sommes vos serviteurs, à cause de Jésus.

06 Car Dieu qui a dit : Du milieu des ténèbres brillera la lumière, a lui-même brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ.

07 Mais ce trésor, nous le portons comme dans des vases d’argile ; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous.

Comment vivre spirituellement ce trésor dans un vase d’argile ? 

1/ Avec lucidité

Beaucoup ont redis leur honte devant les abus en tous genre.

Et de cette honte naît une détermination à faire de l’Église une « maison sûr », comme dit le pape François, et l’engagement à contribuer positivement à sa réforme.

2/ Cette lucidité entraîne une juste humilité

Aujourd’hui certains reprennent l’expression « réparer l’Église », se prenant pour St François d’Assise.

« C’est oublier que les personnes qui ont le plus contribué au renouveau de l’Église et à sa purification (saint François d’Assise, sainte Catherine de Sienne et bien d’autres) n’ont jamais eu la prétention d’être des réformateurs et ont toujours été animées d’un immense amour et respect pour l’Église. Ils remettaient en cause le mode de vie des membres de l’Église, avec force parfois, mais non sa structure fondamentale. »

(Jacques Philippe La paternité spirituelle du prêtre – un trésor dans des vases d’argile 2021 – page 63)

Certains pensent même que pour résoudre les problèmes du sacerdoce, il faut supprimer l’ordination ou qu’il faudrait ordonner des hommes mariés comme s’ils n’étaient pas soumis également aux péchés…

Cette humilité d’accepter une Église vase d’argile est :

  • une libération : / au poids de chercher à se présenter parfaite par elle-même
  • vivre sa vocation d’instrument de Dieu : c’est dans la faiblesse humaine que Dieu se révèle. La perfection que Dieu veut pour l’Église, c’est qu’elle devienne ce qu’elle est : limité, mais caractérisée par la relation filiale à Dieu. STEJ « Je ne suis qu’une enfant, impuissante et faible ; cependant c’est ma faiblesse même, qui me donne l’audace de m’offrir en Victime à ton amour, ô Jésus ! » Ms B 3 v°

Donc, les faiblesses de l’Église ne sont pas seulement négatives, mais comme de tout mal, Dieu l’intègre dans son Plan divin du Salut.

Cf. la purification de la mémoire voulue par le pape Jean-Paul II pour le Jubilé de l’an 2000.

Cf. l’explosion de la pédophilie dans la société entière, après avoir explosé en premier dans l’Église. Cf le relais passé par Mr Sauvé à la CIIVISE, commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants.

III. La catholicité de l’Église

Ignace d’Antioche est le premier à employer ce terme philosophique (kat’holou, selon l’ensemble) et non biblique, dans un parallélisme : « Où est l’Évêque, est la communauté ; comme là où est le Christ Jésus, là est l’Église catholique. »

Il exprime déjà les deux sens : 

– quantitativement, selon la totalité, dans l’espace et le temps : « Elle ne consent point à être arrêtée dans son expansion par aucune frontière, géographique ou sociale. La frontière même de notre monde visible ne l’arrête pas, puisque suivant une terminologie depuis longtemps traditionnelle, elle se répartie en trois groupes, qui ne cessent de communiquer entre eux : militante ici-bas, l’Église est souffrante dans le purgatoire et déjà triomphante au Ciel, d’un triomphe encore incomplet, en attendant le Jour par-delà les jours où toute entière elle sera triomphante, après l’avènement glorieux de son Seigneur. » 

(Cardinal Henri de Lubac, « Méditation sur l’Église », édition 1985 page 42)

Elle est envoyée en mission par le Christ à l’universalité du genre humain (LG 13), et s’articule en Églises particulières et Église universelle (LG 26).

– qualitativement, selon l’intégralité, car en elle le Christ est présent en plénitude.

Il est important que chacun d’entre nous nous prenions conscience de ce que veut dire être catholique, pour le réaliser en nous. « Le croyant n’est pas seul dans sa foi…. Il est entré par le baptême dans la grande famille catholique… Il est intégré à cette assemblée universelle… » (Cardinal Henri de Lubac, « Méditation sur l’Église », édition 1985 page 43)

Et cela relativise nos petites querelles de clocher. C’est une des raisons pour lesquelles le diocèse de Gap est en projet de jumelage avec un diocèse du Bénin. Quand je suis allé dans le diocèse de Dassa-Zoumé, je me suis senti frère de tous les catholiques de ce diocèse, et pourtant il est bien différent du diocèse de Gap ; ses collinettes ne ressemblent guère aux sommets alpins !

La mission est donc un élément constitutif de sa catholicité, car l’Église est nécessaire au salut :

– Elle est l’échangeur Terre-Ciel (A. Manaranche ‘J’aime mon Église’, 1992, 326), car l’Église est la communauté de salut par la présence de Dieu Trinité.

– L’adage « Extra Ecclesiam nulla salus » « Hors de l’Église point de Salut » (concile de Florence en 1442), est interprété positivement par LG 16 par rapport à la culpabilité « ceux qui sans fautes de leur part ignorent l’Évangile du Christ et son Église […] peuvent arriver au salut » et par CEC 846 « tout salut vient du Christ-Tête par l’Église qui est son corps » ;

– Le titre donné à l’Église de sacrement universel du salut par LG 48, repris par RM 19, montre cette nécessité de l’Église pour le Salut.

IV. L’apostolicité de l’Église

« Je crois en l’Église apostolique », « parce qu’elle est fondée sur les apôtres et cela en un triple sens. » (CEC 857)

fondationfoisuccession
elle est bâtie sur le fondement des apôtres (apostoloi), envoyés en mission par le Christelle garde et transmet l’enseignement des apôtreselle continue à être enseignée, sanctifiée et dirigée par les apôtres, par leurs successeurs

Si le chapitre II de LG concerne le peuple de Dieu, le chapitre III parle de la constitution hiérarchique de l’Église et spécialement de l’épiscopat.

LG 18

« Ce saint Concile, s’engageant sur les traces du premier Concile du Vatican, enseigne et déclare avec lui que Jésus Christ, Pasteur éternel, a édifié la sainte Église en envoyant ses Apôtres, comme lui-même avait été envoyé par le Père (cf. Jn 20, 21) ; 

il a voulu que les successeurs de ces Apôtres, c’est-à-dire les évêques, soient dans l’Église, pasteurs jusqu’à la consommation des siècles. 

Mais, pour que l’épiscopat lui-même fût un et indivis, il a mis saint Pierre à la tête des autres Apôtres, instituant, dans sa personne, un principe et un fondement perpétuels et visibles d’unité de la foi et de communion ».

LG20

« La mission divine confiée par le Christ aux Apôtres est destinée à durer jusqu’à la fin des siècles (cf. Mt 28, 20), étant donné que l’Évangile qu’ils doivent transmettre est pour l’Église principe de toute sa vie, pour toute la durée du temps. C’est pourquoi les Apôtres prirent soin d’instituer, dans cette société hiérarchiquement ordonnée, des successeurs. »

« Ainsi donc, les évêques ont reçu, pour l’exercer avec l’aide des prêtres et des diacres, le ministère de la communauté. Ils président à la place de Dieu le troupeau, dont ils sont les pasteurs, par le magistère doctrinal, le sacerdoce du culte sacré, le ministère du gouvernement. »

Conclusion

« L’unique Église du Christ, dont nous professons dans le symbole qu’elle est une, sainte, catholique et apostolique, […] c’est dans l’Église catholique qu’elle se trouve. » LG8

Le verbe latin subsistit in, traduit dans les documents du concile par « se trouve », et par le CEC par « existe », veut rendre l’idée de la réalité spirituelle de l’Église souffrant des divisions.

La bible a 3 images qui ont été appliquées à l’Église : peuple de Dieu, Corps du Christ, Temple de l’Esprit Saint. Elles indiquent la dimension trinitaire de l’Église. L’Église est comme une épiphanie de cette gloire Trinitaire. St Augustin : « Lève-toi et viens vite à l’Église, là se trouve le Père, là est le Fils, là est l’Esprit Saint. »

            Quand on a bien intégré toutes ces données théologiques, on est renvoyé à notre propre relation avec l’Église :

  • Une double position : devant l’Église, en rapport avec elle + dans l’Église, devant les autres
  • Mon expérience de l’Église peut-être une aide ou un obstacle pour la relation des autres avec l’Église, et inversement.
  • Aimons l’Église : aimer pour connaître et connaître pour aimer.

« La Vierge rappelle à l’Église qu’elle doit être maman comme elle, maman d’abord, afin d’engendre le Christ dans les âmes dévastées. » (André Manaranche, op. cit. p. 338)

Frères et sœurs, notre Église a 20 siècles d’âge, 20 siècles de durée ! Elle est encore belle.

Le cardinal Henri de Lubac l’exprime ainsi : 

« Empruntons avec hardiesse le langage que tient l’époux au Cantique des Cantiques, – ce Cantique dont saint Bernard nous assure qu’il est ‘le chef d’œuvre du Saint-Esprit’, – dans une ardeur qu’anime une conviction toujours grandissante, l’enfant redit à sa mère : ‘Ta voix est douce et ton visage est beau !’ »

(Dans l’édition de 1953 de son chef-d’œuvre « Méditation sur l’Église »,

à la fin de l’introduction à la seconde édition, dans l’édition 1985 à la page 8)

Bibliographie

Cardinal Henri de Lubac, Méditation sur l’Église, édition 1985

Dom Dysmas de Lassus, prieur de Chartreuse, Risques et dérives de la vie religieuse, 2020

Jacques Philippe, La paternité spirituelle du prêtre – un trésor dans des vases d’argile, 2021

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Cet article a été rédigé par le service communication du diocèse de Gap.