«Sic nos amantem, quis non redamaret ?» «Celui qui nous a tant aimé, qui refuserait de l’aimer en retour ?»
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Homélie 1er mai 2019- Fête de ND du Laus : 350 ans des premières apparitions de Jésus Crucifié à Benoîte
Dimanche dernier nous célébrions le dimanche de la Miséricorde. Saint Jean-Paul II nous a offert cette fête en l’an 2000, montrant que la miséricorde est ce dont notre monde a le plus besoin au 21ème siècle, monde qui pour une part semble s’éloigner de Dieu, et pour une autre part semble tomber dans l’extrémisme religieux.
Saint Paul dans notre seconde lecture en parlait déjà aux habitants d’Ephèse : « Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés.»
Cette année, nous commémorons au Laus le 350ème anniversaire de la première apparition de Jésus crucifié à Benoîte Rencurel, raison pour laquelle je vais développer cette partie du riche message spirituel du Laus. En effet, Le Laus n’est pas seulement un lieu d’apparition mariale, mais aussi un lieu d’apparition de Jésus. Il n’y en a pas beaucoup de reconnus dans le monde, depuis le temps des apparitions de Jésus ressuscité à ses apôtres après sa Résurrection. Bien sûr on pense à Paray le Monial, devenu après les apparitions à Ste Marguerite-Marie le sanctuaire du Coeur de Jésus, et à Cracovie en Pologne, devenu après les apparitions à Sainte Faustine le sanctuaire de la Miséricorde. C’est à l’occasion de ces apparitions que Jésus a demandé à soeur Faustine l’instauration d’une fête de sa Miséricorde, et le jeune Karol Woytila qui en a entendu parler dans sa jeunesse, l’instaurera une fois devenu le Pape Jean-Paul II.
Benoîte, on peut le dire, s’inscrit dans une lignée spirituelle qui part de saint Jean, ayant reposé sur le coeurs de Jésus, passant par François d’Assise, les mystiques du Rhin, Ignace de Loyola, Thérèse d’Avila, Pierre de Bérulle François de Sales, Jean Eudes, avec un apogée chez Marguerite-Marie quelques années après Benoîte, et qui sera poursuivie par d’autres, dont Soeur Faustine au 20ème siècle. Bien sûr ces révélations privées n’apportent rien à la doctrine catholique, mais elles sont un témoignage éloquent de l’immense amour de Jésus.
Les rencontres de Benoîte avec Jésus crucifié eurent lieu à la Croix d’Avançon. Cette croix est désormais abritée dans la chapelle du Précieux Sang, où nous irons en procession cette après-midi.
En 1669, Benoîte reçu les deux premières apparitions du Crucifié ; je cite les manuscrits : Jésus lui est apparu deux fois, tout sanglant, à la croix, lui disait : « Ce que vous me voyez souffrir n’est pas ce que je souffre à présent, mais c’est pour vous faire voir ce que j’ai souffert pour les pécheurs, et l’amour que j’ai pour eux ». CA G. p. 57 XXX [103] – année 1669
Ces paroles sont importantes, pour bien comprendre que Jésus ressuscité ne souffre plus. Mais Isaïe l’avait déjà annoncé et nous l’avons entendu pendant la Semaine Sainte : « Ce sont nos souffrances qu’il portait et nos douleurs dont il était chargé. […] Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. » (Is 53, 4-5) Origène pareillement a une formule décisive : « Si tu entends parler des passions de Dieu, alors rapporte-les toujours à l’amour. » Dieu est «souffrant» (entre guillemet) parce qu’il est aimant. Par la médiation du Fils, Dieu n’a de cesse de nous montrer, de nous transmettre, de nous faire ressentir son amour.
La troisième apparition de Jésus crucifié eu lieu en 1673 : « La plus célèbre a été (l’apparition) de Notre Seigneur Jésus-Christ sur une croix, en l’année 1673, au mois de juillet, un vendredi. Benoîte moissonnait avec plusieurs autres personnes en présence de quelques étrangers dans une terre qui était à la chapelle, lorsque par un mouvement de l’Esprit divin, elle quitte la compagnie et s’en va à cette croix, sur laquelle elle vit notre divin Sauveur ».
Après cette apparition, chaque semaine, du jeudi à midi, jusqu’au samedi, Benoîte était comme crucifiée, «son corps étendu en forme de croix, ses pieds l’un sur l’autre, ses doigts tant soit peu fermés et rétrécis aussi, moins pliables qu’une barre de fer.» CA P. p. 413 [459] – année 1673
On pense bien sûr à ce qu’a vécu la vénérable Marthe Robin dans la Drôme voisine, revivant chaque vendredi la passion de Notre-Seigneur.
Puis il y eut une 4ème apparition en 1674 : « Benoîte, sentant une bonne odeur dans sa chambre, est inspirée d’aller à la croix. Elle y voit Jésus, attaché à la croix et tout sanglant comme il était au calvaire. Un ange était au pied de la croix, qui lui dit : « Voilà ce qu’a souffert votre Père et le mien ! Ne voudriez-vous pas souffrir pour l’amour de lui ? » Cette vue la touche si vivement, et son cœur en est attendri d’une telle manière qu’en pensa en mourir de regret. Elle a avoué que, pour peu que cette vision eût duré encore, elle serait véritablement morte de regret de voir dans ce déplorable état Jésus, son amour et son tout ». CA G. p. 86 VI [132] – année 1674
On a là un second élément important : Jésus propose à Benoîte de souffrir pour l’amour de lui.
Enfin, dernière apparition en 1679: « Benoîte allait encore à cette croix pour y adorer son aimable Sauveur tout ensanglanté sur cette croix, comme il était au Calvaire. Cette vue perça son cœur d’une si extrême douleur et la touche d’une si étrange compassion que, durant six mois, elle était inconsolable. Elle reprit ses souffrances du vendredi, qui lui ont duré jusqu’à ce que Monseigneur de Genlis, Archevêque d’Embrun, fût au Laus. ».
CA G. p. 105 II [151] – année 1679
On retrouve dans les mêmes années, les mêmes éléments dans les apparitions de Jésus à Ste Marguerite Marie.
– Il y a d’abord une révélation, une déclaration d’amour. Jésus dit à Benoîte : «c’est pour vous faire voir ce que j’ai souffert pour les pécheurs, et l’amour que j’ai pour eux» En 1673, lors de sa première apparition à Marguerite Marie, Jésus dira : « Mon cœur est si passionné d’amour pour les hommes et pour toi en particulier » (A53).
Puis il y a une mission donnée, un appel. Un ange dit à Benoîte pendant l’apparition : « Voilà ce qu’a souffert votre Père et le mien ! Ne voudriez-vous pas souffrir pour l’amour de lui ?» On le retrouve aussi à Paray le Monial en 1674 (on est dans la même année pour Benoîte et pour Marguerite-Marie !) : après s’être plaint des ingratitudes des hommes, Jésus lui demande : « Mais (toi), du moins, donne moi ce plaisir de suppléer à leurs ingratitudes autant que tu en pourras être capable. » Cette mission, que l’on a appelé ensuite la réparation, ou encore la consolation du coeur de Jésus, est importante de nos jours. Nous connaissons les différents actes de piété réparatrice, suite à Paray la communion du premier vendredi du mois et la fête du sacré-Coeur et suite à Cracovie, la fête de la Miséricorde et le chapelet de la miséricorde. Alors frères et soeurs, je vous invite à vivre la procession de cette après-midi dans un esprit de réparation pour le mal qui se passe dans le monde, pour le mal que chacun nous commettons.
Bien sûr il serait vain et impossible de compenser tout ce mal par autant d’actes de réparation. Jésus est le seul Sauveur capable d’offrir au père une juste réparation. Comme dit st Paul, toujours notre seconde lecture: «C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas des actes : personne ne peut en tirer orgueil. C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus, en vue de la réalisation d’œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance pour que nous les pratiquions.»
Est-ce que nous ressentons cet appel à nous unir à l’amour sauveur de Jésus ? ; en nous unissant à son offrande, particulièrement lors de la communion, lors des temps d’adorations, ou tout autre acte de piété. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus priait ainsi dans son acte d’offrande à l’amour miséricordieux : « Après cet exil sur la terre, j’espère aller jouir de vous dans la Patrie, mais je ne veux pas amasser de mérites pour le Ciel, je veux travailler pour votre seulAmour, dans l’unique but de vous faire plaisir, de consoler votre Cœur Sacré, et de sauver des âmes qui vous aimeront éternellement. »
Frères et soeurs, l’amour que nous donnons à l’unisson de l’amour de Jésus, console le coeur de Jésus et contribue à sauver des âmes.
Alors il me revient une strophe d’un cantique de Noël, même si ce n’est pas de saison, Adeste fideles, peuple fidèle : «Sic nos amantem, quis non redamaret ?» «Celui qui nous a tant aimé, qui refuserait de l’aimer en retour ?»
Voilà le message de la Miséricorde dont notre monde à tant besoin. Voilà ce que Jésus et Marie sont venus dire à Benoîte et donc à chacun de nous pèlerins du Laus. «Celui qui nous a tant aimé, qui refuserait de l’aimer en retour ?» Voilà ce que nous devons annoncer au monde avec le même empressement que Marie a eu pour aller auprès de sa cousine Elisabeth lors de la Visitation : « Notre âme exalte le Seigneur, exulte notre esprit en Dieu, notre Sauveur ! Il s’est penché sur nous ses humbles serviteurs ; désormais tous les âges nous diront bienheureux. Le Puissant fit pour nous des merveilles ; Saint est son nom ! » Amen.