Dans le Livre des Lamentations l’auteur se lamente devant la ville de Jérusalem détruite et, comme dans d’autres livres de la Bible, pose des questions à Dieu qui a laissé détruire sa cité sainte. Le verset 20 m’a frappé en préparant cette homélie : « Elle se rappelle, mon âme, elle se rappelle ; et en moi, elle défaille. »
Se rappeler et défaillir. Nous le vivons frères et soeurs, en cette année 2020 douloureuse qui restera non seulement dans les livres d’histoire mais aussi dans nos mémoires. « Mon assurance a disparu, ainsi que l’espoir qui me venait du Seigneur. » dit l’auteur du livre des Lamentations. Des membres de nos familles et de nos amis sont morts, soit de la maladie du covid, soit d’une autre raison, mais nous n’avons pu parfois les accompagner comme nous le oulions. L’une des plus grave erreur du 1er confinement a été l’abandon des personnes âgées à leur solitude, et de ne pouvoir accompagner les mourants. Il semble que le confinement saison 2 soit plus respectueux, car l’on pourra continuer à visiter nos anciens et les prières des funérailles pourront se tenir dans nos églises, avec une jauge remontée à 30 personnes. Nous le savons, le rite liturgique est une grande consolation pour nous, en plus de la prière pour le salut éternel du défunt. Encenser le corps, écouter la Parole de Dieu, faire un dernier adieu, emmener à la terre ceux qu’on aime, c’est important. Personnellement j’en ai fait l’expérience pour un oncle en août, alors qu’il était mort en mars, et cela a été un beau moment familial. Car c’est un grand moment pour l’humanité. On porte en terre un homme. Alors ce soir, on se souviens de ceux que l’on a porté en terre cette année, et ces bougies les représentent.
Ici dans cette cathédrale, je voudrais aussi vous inviter à vous souvenir et à prier pour le repos de l’âme du P. Sébastien. Notre blessure reste vive. Présentons-la au Seigneur.

Ce soir également, nous voulons prier pour l’instituteur de Conflans ste Honorine, lâchement assassiné, Samuel Paty, et prier pour toute la communauté éducative qui ce lundi est courageusement retourné à l’école.
Enfin ce soir, comment ne pas faire mémoire des trois martyrs chrétiens de Nice, Nadine, 60 ans, Simone, 44 ans et Vincent, le sacristain, 55 ans. Les derniers mots de Simone furent des mots d’amour : « Dites à mes enfants que je les aime. »Hier soir à Nice, dans la Basilique Notre-Dame, Mgr André Marceau, a commencé par purifier l’église avec l’eau du baptême, car je le cite, « à travers Nadine, Simone, Vincent, ce sont tous les hommes qui ont été profanés. »
Ces attentats nous ont horrifiés, et s’il le fallait encore avec la pandémie, ils nous remettent devant la mort, notre mort.
Peut-être que comme nos concitoyens, nous avons oublié la mort. Nous n’apprenons plus à mourir, nous ne prions plus pour une bonne mort, une sainte mort, entourée de la prière de ceux qui nous aiment. En vous parlant, je me dis que peut-être que les seuls qui apprennent à mourir sont nos militaires. Et ce soir, nous portons aussi dans notre prière les 4 militaires du régiment de Gap morts cette année au Mali. La perte de la dimension spirituelle est terrible de conséquences dans une société, car ne plus savoir mourir, c’est ne plus savoir le sérieux et la merveille de chaque instant de notre vie.
Frères et soeurs, si la mort nous horrifie, comme chrétiens elle ne nous terrifie pas. Finalement un terroriste ne peut terroriser un chrétien. L’auteur du livre des Lamentations, dont on se rappelle la situation, devant Jérusalem détruite, déclare : « Voici ce que je redis en mon cœur, et c’est pourquoi j’espère : Grâce à l’amour du Seigneur, nous ne sommes pas anéantis ; ses tendresses ne s’épuisent pas ; elles se renouvellent chaque matin, – oui, ta fidélité surabonde. » La tendresse de Dieu ne s’épuise pas !
La mort est un passage. Notre mort, la mort de nos proches, la mort des martyrs. Ils sont arrivés au col. Et du col, ils voient un paysage magnifiques, nous en faisons l’expérience si souvent dans nos montagnes. C’est le paysage du Ciel, c’est la vallée de l’amour de Dieu. La plus belle de nos hautes vallées, avec ses mélèzes repeints actuellement en couleur d’or, nous dit quelque chose de la beauté du Ciel, mais celui-ci sera encore mille fois plus beau, par la beauté des saints et des défunts purifiés et contemplant Dieu.
Et notre joie sera alors d’y descendre avec légèreté, en laissant notre lourd sac à dos de péché.
Mais comme me disait un de mes paroissiens, malade du sida que j’ai accompagné : « Mon père, la montée est rude. » Oui, frères et sœurs, la montée est rude. Mais en bons randonneurs, nous avons deux bâtons qui soutiennent notre espérance, le bâton de la foi et celui de la charité. La foi en la fidélité de Dieu, en sa présence, et la charité, notre amour de Dieu et notre amour de notre prochain, et l’amour que nous recevons de Dieu et du prochain. Alors nous montons léger au col, même si c’est dur. Car nous savons qu’il y aura un retour glorieux, la résurrection !
Pourtant, même Jésus ne se résout pas à la mort de son amis Lazare. Marthe commence par une plainte de son cœur de sœur : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Que c’est beau !
Et Marthe pose un acte de foi incroyable : « maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. » Jésus lui répond alors : « Ton frère ressuscitera. » Puis un second acte de foi de Marthe après l’affirmation forte de Jésus. « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Marthe répondit : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. » Si Lazare est de nouveau mort après sa résurrection, nous savons que nous sommes appelés à une vie sans fin, à un bonheur éternel dans une vie bien plus belle. Oui, nous croyons en la Résurrection des morts, la nôtre et celle de nos défunts. Alors le terroriste ne nous terrorise pas même s’il nous horrifie. Alors ne virus ne nous terrorise pas même s’il nous angoisse. Notre foi, notre espérance et notre charité, 3 cadeaux reçus au baptême, sont solides et plus forts. Un jour, Seigneur, je te rencontrerai définitivement, face à face. C’est ma joie. Amen !
