Homélie de Mgr Xavier Malle, mardi 8 décembre 2020
L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » Comblée-de-grâce, ce titre donné par l’ange Gabriel à la Vierge Marie nous plonge au cœur de cette fête de l’Immaculée Conception.
Pourquoi était-il convenant que Marie, jeune fille choisie par Dieu pour être la mère du Sauveur, fut comblée de grâce ? C’est un mystère de notre foi que l’on peut prendre par bien des côtés. Je le prendrai par sa finalité, l’accueil en son sein du Sauveur, prince de la Paix, que nous attendons en cet Avent. Tout en Marie est Christo-centré disent les théologiens. Pour être la mère du prince de la paix, de celui qui apporterait la paix entre la créature et son Créateur, il fut convenant qu’elle fut comblée d’une grâce de paix prévenante. Vous connaissez le secret de la sainteté ? C’est une présence à soi, présence à Dieu et présence au prochain permanente et paisible.
Peu d’entre nous sont paisiblement présents en même temps à soi-même, à Dieu et au prochain. Parce que nous sommes marqués par le péché originel. Parce que c’est la guerre en nous, entre des motions diverses, parce que la jalousie nous empêche d’être totalement en paix avec notre prochain, parce que nos péchés nous séparent de Dieu. Marie au contraire est présence à elle-même, présence à Dieu et présence à autrui dans une grande paix. Marie connait la paix intérieure. La constitution Lumen Gentium du Concile Vatican II nous enseigne : « Pour être la Mère du Sauveur, Marie fut pourvue par Dieu de dons à la mesure d’une si grande tâche » §56. Regardons l’Annonciation, évangile de cette fête : elle reçoit une nouvelle bouleversante, et sa réponse est paisible : « comment cela va-t-il se faire ? » On est loin des réactions des prophètes quand Dieu les appelle. Ainsi Moïse : « Moi ? qui suis-je pour aller trouver Pharaon ? » ; Jérémie : « je ne sais pas parler; car je suis un enfant » ; ou encore Jonas qui carrément fuit.
Cela ne veut pas dire que Marie n’était pas libre. Benoît XVI dit le 8 décembre 2005 : « C’est plutôt cela que nous devons apprendre le jour de l’Immaculée : l’homme qui s’abandonne totalement entre les mains de Dieu ne devient pas une marionnette de Dieu, une personne consentante ennuyeuse ; il ne perd pas sa liberté. Seul l’homme qui se remet totalement à Dieu trouve la liberté véritable, l’ampleur vaste et créatrice de faire le bien. » On voit l’ange respectueux de la liberté de Marie, il la laisse s’exprimer, et répond à sa question. Et vous remarquerez qu’il ne s’en va pas avant d’avoir eu la réponse de Marie : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta Parole » ; Alors l’ange la quitta ». « Le monde entier attend la réponse de Marie », commentera saint Bernard.
Ceci ne veut pas dire que le cœur de Marie n’a pas connu des ténèbres. « Comment cela se fera-t-il ? » Mère Teresa écrit à un prêtre : « Accrochez-vous à Notre-Dame – car elle aussi – avant de pouvoir devenir pleine de grâce – pleine de Jésus – a dû passer par ces ténèbres. Mais comment cela se fera-t-il ? Mais dès l’instant où elle a dit oui, elle a eu besoin de partir en hâte donner Jésus à Jean et sa famille » (Écrits intimes 2008, p. 314). Mère Teresa donne une autre lecture de l’expression « pleine de grâce », mais oui Marie a connu des ténèbres. Pensons à la pieta de Michel-Ange à la Basilique Saint-Pierre. Si elle a un visage de paix, dans quelles ténèbres devait-elle être en accueillant sur ses genoux son fils mort ? L’Immaculée Conception n’empêche pas la ténèbre. La paix intérieure n’empêche pas la ténèbre.
En 1854 par le pape Pie IX proclama le dogme de l’Immaculée Conception, comme un aboutissement d’une longue tradition crue par le peuple de Dieu. Vous savez que quelques années après, le 25 mars 1858, Bernadette demande à la belle dame qui lui apparait dans la grotte de Lourdes quel est son nom, et celle-ci lui répond en patois «Que soy era Immaculada Councepciou. » « Je suis l’Immaculée Conception ». Mais bien avant, au Laus, le jour de l’Immaculée 1687, un ange apparut à Benoîte Rencurel, selon ce qui est rapporté dans les manuscrits : « le jour de la Conception Immaculée de la très sainte Vierge 1687, l’ange parla le matin à Benoîte et lui dit qu’il y avait un prêtre et une femme qui vivaient mal, de les avertir que si après cela ils ne se convertissaient pas, ils tomberaient dans les enfers dans peu de jours ». Je reprends la définition de 1854 : « La bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu Tout-Puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel (CEC 491 – DS 2803). »
Autrement dit, pour être la mère de Jésus, il fallait en quelque sorte qu’elle soit comme une créature d’avant le péché originel. Le Catéchisme de l’Église Catholique l’exprime ainsi §490 : Cette » sainteté éclatante absolument unique » dont elle est » enrichie dès le premier instant de sa conception » (LG 56) lui vient tout entière du Christ : elle est » rachetée de façon éminente en considération des mérites de son Fils » (LG 53). » On comprends alors le choix en première lecture de cette fête du récit de la chute d’Adam et Eve au chapitre 3 de la genèse, et en particulier cette prophétie contre le serpent : « Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance. » Marie est bien la nouvelle Ève : Adam « appela sa femme Ève (c’est-à-dire : la vivante), parce qu’elle fut la mère de tous les vivants. » Marie est devenue la mère de tous les vivants rachetés par son Fils Jésus.
Frères et sœurs, cette fête 2020 de l’Immaculée Conception de notre année mariale diocésaine nous donne quelques pépites pour vivre dans la paix ce temps si étrange et si difficile que nous affrontons de la pandémie. Marie comblée de grâce a accueilli le Prince de la Paix. Confions-nous à elle. Accueillons le Prince de la Paix. Saint Séraphin de Sarov a une maxime que j’ai accrochée à l’entrée de la chapelle de l’évêché : « Veille sur ta paix intérieure, et des multitudes autour de toi trouveront le salut. » C’est par la prière humble, fidèle, quotidienne, que nous pouvons veiller sur notre paix intérieur, grâce reçue de Dieu.
La prière, c’est justement la mission des chanoines.
Je vais remettre la croix de chanoines à 8 prêtres de notre diocèse, qui vont rejoindre les 6 chanoines actuels, constituant un chapitre de chanoine de la Cathédrale de Gap de 14 chanoines. Ce n’est pas une légion d’honneur, vous allez le comprendre ! Car chers amis, l’Église pose la croix sur votre poitrine, comme sur la poitrine des évêques. Sur la Croix il faut mourir à soi. Et prendre la croix n’est pas aisée, même si elle est faite d’or et sertie de pierres précieuses. Car la fidélité dans la prière est une croix à porter. Car nous expérimentons tous le désert dans la prière.
Alors frères et sœurs, je vous invite à prier pour les futurs chanoines et pour les actuels. Qu’ils soient fidèles à leur mission de prière. Qu’ils ne reculent pas devant la croix de la prière. En cette année mariale, demandons pour eux et pour chacun de nous cette paix intérieures qui inondait le cœur de l’Immaculée. Amen !
Un chapitre cathédral renouvelé
Les dernières nominations ont été faites le 21 septembre 2013 : P. Frère et P. Dubois.
Décédés récemment :
- Sébastien Dubois
- Maurice Martinon
CHANOINES ACTUELS
- Jean-Michel Bardet
- Félix Caillet
- Fernand Delaup
- Ludovic Frère
- Bertrand Gournay
- Corneille Schellekens
NOUVEAUX CHANOINES
- Joseph Aubin
- André Bernardi
- Marius Chevallier
- René Combal
- Guy Corpataux
- Pierre Fournier
- André Girier
- Adrien Michel
