Mgr Jean-Michel di Falco Léandri, évêque de Gap, célébrait les obsèques
Mot d’accueil
Tous tes amis sont là, cher Jean-Claude !
Tous les amis présents dans cette église ce soir et ceux qui, éloignés de Paris, n’ont pu te rejoindre. C’est le cas de ton amie Line avec qui tu t’es courageusement engagé dans la lutte contre le Sida.
Oui, tous tes amis sont là, nombreux. Plusieurs auraient aimé prendre la parole pour te dire une dernière fois leur affection. Par respect pour tes dernières volontés, ils le feront dans le silence d’un dernier cœur à cœur avec toi car tu n’as pas souhaité qu’il y ait d’intervention. Dans les derniers temps
Monseigneur
Pour ceux qui parmi nous sont croyants, nous nous savons en présence de Dieu. Pour Dieu, ce qui compte, ce n’est pas tant ce que nous avons fait que ce que nous sommes.
Ce que nous honorons ici en Jean-Claude, c’est la grandeur cachée, secrète de tout être, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu.
Il n’y a pas de grand homme devant Dieu, il n’y a pas non plus
Jean-Claude Brialy était un homme connu. Nous connaissions de lui seulement ce qu’il voulait bien livrer de lui-même. Ici on peut dire que quelqu’un le connaissait, le comprenait dans son secret le plus intime. C’est
Homélie
Comme à chaque fois que nous sommes confrontés à la mort nous voici bouleversés. Ne vivons-nous pas dans une société qui nous entretient dans l’illusion que la mort est un mirage, qu’elle n’existe pas ? Ne nous arrive-t-il pas de penser que nous sommes les résidants indélogeables de cette terre et d’oublier qu’un jour nous aussi nous serons à la même place que celle occupée ce soir par notre ami Jean-Claude ?
Ce désir d’immortalité inscrit dans l’âme de chaque être ne s’enracine-t-il pas plus profondément encore dans celle de l’artiste ? Son désir d’inventer le pousse toujours plus avant dans la création et font que l’artiste franchit les limites du temps, de l’éphémère,
N’est ce pas ce que nous éprouvons nous aussi ce soir en accompagnant Jean-Claude à sa dernière demeure ? Déjà, il nous manque !
Souvent je me suis demandé si la relation qu’un acteur, un comédien entretenait avec la mort n’était pas tout autre que celle du commun des mortels. L’acteur tente, inconsciemment sans doute, de jouer avec la mort pour
Lorsqu’il s’agit d’un acteur de cinéma l’image ponctue le cours du temps en fixant une fois pour toutes sur la pellicule ce qu’il est à un moment donné de l’histoire de sa vie.
Quelle belle vocation que celle de l’artiste ! Donner du bonheur, donner du rêve, faire oublier la grisaille du quotidien et les soucis, mais quelle vocation exigeante puisqu’elle attire les regards. Impossible de raconter la vie d’un géant tel que Jean Claude. Tel une étoile filante il a traversé son temps laissant des parcelles de lumière sur tous ceux qui ont croisé sa route.
Ce soir, nous sommes ici pour dire notre affection et notre amitié aux proche
Dans cette assemblée, nous ne sommes pas tous croyants. Les uns pensent que notre esprit, comme la brume du matin, s’évanouit avec la ruine de notre corps. Les autres croient en Dieu et croient que Dieu prend soin de nous, même et surtout à notre mort. Sans doute que ces questions s’agitent souvent en nous. Nous sommes à la fois croyants et incroyants. Comment garder cette espérance invraisemblable d’une vie éternelle ? Est-ce inventé par peur
Je ne vous donnerai pas de preuves, je n’en ai pas. Il faudrait, pour prouver quelque chose que nous connaissions les secrets derniers de tout. Nous ne sommes que des hommes, nous ne connaissons qu’une petite partie des choses, un côté, une face
A toutes ces questions il ne peut y avoir qu’une réponse de foi comme à toutes les grandes questions que nous pose la vie.
Je suppose que comme chacun d’entre nous, bien des fois dans son existence, il a dû faire l’effort de croire. Il a dû parier sur la confiance pour vivre un amour, une amitié, pour entreprendre ce qu’il a pu réaliser. Nous vivons de confiance, sans cela y a t-il une vie possible ? Pour savoir si quelqu’un nous aime, si la vie vaut la peine d’être vécue, si l’amitié, la générosité, la beauté méritent qu’on y consacre du temps et des forces, il faut y croire, c’est la condition première. Si on ne croit à rien, si l’on ne fait confiance à personne, que reste t-il
Ce qui nous rassemble c’est l’amour, l’amitié que nous avons pour Jean-Claude. Lui qui a dit : «Dans la vie la chose la plus importante, c’est l’amour. L’amitié est la plus belle chose qui soit. Depuis que je suis né j’ai désiré mériter votre amitié. Nous devons toujours traiter un ami comme si c’était la dernière rencontre». Ce n’était pas que des mots pour Jean-Claude. Tout au long de sa vie il a tendu la main à ceux qui avaient besoin d’aide et d’amour, il était là pour porter avec eux leur fardeau, qu’ils soient connus ou inconnus, riches ou miséreux.
Nous ne sommes pas tous croyants et cependant nous pouvons nous rejoindre dans notre désir d’aimer et d’être aimé. « Si nous croyons à l’amour, dit l’apôtre saint Jean, nous sommes du côté
Dieu est plus généreux que notre conscience et si nous essayons de tendre à un amour vrai, à un amour donné pour le bonheur de ceux que nous aimons alors nous sommes sur les
Aujou rd’hui la parole de Dieu met l’accent sur ce qui compte, sur ce qui restera, sur ce qui nous survivra : le pardon, l’attention aux autres, la bonté qui se traduit en acte, la passion
Que devient la vie sans amour et sans espérance ? Que devenons-nous ? Seul l’amour nous fait exister, seul l’amour nous fait vivre ! Seul l’amour nous fait grandir ! Seul l’amour nous sauve ! L’Amour avec un grand A nous est donné par Dieu lui-même. Mais si nous n’y répondons pas qui donc se fera les relais de cet amour ? Que nous reste t-il ? La jungle ? La barbarie ? Le désert ? Nous ne serions plus que des plantes qui se consument sous le soleil ardent. L’amour ne peut mourir.
Cet appel est le nôtre ce soir. Croyants, nous prions pour Jean-Claude. Ceux qui ne partagent pas la foi chrétienne se recueillent. C’est l’amitié pour Jean-Claude qui nous rassemble en une seule famille. Sa famille, c’est celle du monde du spectacle qui lui a permis de donner des trésors de générosité.
Après des heures, des jours, des mois de souffrance, dans la nuit de mercredi à jeudi, Jean-Claude s’est placé sous le regard de Dieu dans la vérité de ce qu’il a été. Sans masque ! Ces masques dont nous savons habilement nous parer pour donner l’apparence
L’annonce
La notoriété, les décorations et les titres ne pèsent pas lourd dans la balance divine. Pour Dieu il n’y pas d’espace VIP où seuls quelques privilégiés auraient le droit de pénétrer. Si cet espace VIP (les personnes vraiment importantes selon les critères humains) existe, tout le monde y a sa place car aux yeux de Dieu tout être humain a la même valeur
Jean-Claude, comme tout être humain, a rêvé d’aimer et d’être aimé. Sa passion pour la vie s’exprimait comme une soif d’infini, un désir absolu. Ne pourrait-on y voir un avant-goût
Pas plus que chacun d’entre-nous Jean-Claude n’a été un saint ! On pourrait débattre pour savoir s’il avait une foi pleine d’assurance mais nous ne sommes pas ici pour justifier un homme. Les funérailles religieuses ne sont pas une canonisation, une consécration, une récompense pour chrétiens exemplaires. Tout baptisé, quelle que fut l’histoire de sa vie, a toujours sa place dans l’Eglise parce qu’il a une place dans le cœur de Dieu. La miséricorde de Dieu est offerte à tous, elle n’est pas sélective. Personne n’est définitivement enfermé dans son passé. Seuls sont prisonniers de leur destin ceux qui ont perdu l’espoir.
Je garde en mémoire ce que me disait un jour un comédien : « Je n’attends pas que l’Eglise me dise que mes actes sont bons alors que je sais qu’ils sont mauvais. Mais j’attends qu’elle m’aime et qu’elle me dise que Dieu m’aime malgré mes fautes. »
C’est pourquoi j’affirme au nom de l’Eglise : « Jean-Claude,
Oui
Si les chrétiens mettent la croix
Tout à l’heure, nous bénirons le corps de
Ne soyons pas triste, Jean-Claude ne le voudrait pas. Lorsqu’on lui parlait
En terminant, je voudrais lui laisser le dernier mot : « Il arrive parfois, dit-il, que ce qu’on oublie de dire importe autant que ce que l’on dit. Au fait… J’ai oublié de vous dire… »
Evêque de Gap