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Il vit, et il crut – L’Eucharistie comme présence réelle du Ressuscité – Jour de Pâques 4 avril 2021

Messe du jour – 10h30 Cathédrale de Gap 

‘Qu’as tu vu Marie Madeleine ?’ La pierre enlevée. Tu n’en conclue pas que le Seigneur est ressuscité, mais tu courras dire à Pierre : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau ».  ‘Qu’as tu vu Jean ?’ « que les linges sont posés à plat … ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, roulé à part à sa place » Mais tu as une illumination : ce n’est pas possible que des malfaiteurs aient volé le corps et laissé les linges mortuaires. Le corps n’a pas été volé, mais a repris vie. « Il vit, et il crut ». Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. » La Résurrection n’a pas été pensée à partir de l’Ecriture, mais elle illumine ces Ecritures. Cet évènement illumine comme notre Cierge pascal tôt ce matin a fait entrer la lumière dans notre Cathédrale encore dans la nuit. Cette lumière de la Résurrection révèle le sens de la Passion. La mort et la souffrance n’ont pas eu le dernier mot.  Le Bon Pasteur a donné sa vie pour ses brebis. Jésus vivant a ouvert la route de la vie éternelle. Saint Pierre, dans notre première lecture, raconte l’évènement à un Centurion romain de Césarée : « Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. » La fois précédente où ils avaient mangé et bu avec Jésus, c’était son dernier Repas, avec l’institution de l’Eucharistie. Jésus a comme voulu boucler la boucle par ce nouveau repas. Aujourd’hui, au repas eucharistique Jésus ressuscité est présent. St Thomas d’Aquin explique que dans les autres sacrements, c’est la puissance, ‘virtus’, du Christ qui est à l’oeuvre, tandis que dans l’Eucharistie,  c’est le Christ lui-même, ‘Ipse Christus’, qui est présent. 

Nous arrivons ce matin au terme de notre parcours sur l’Eucharistie : Jeudi Saint nous avons médité sur l’Eucharistie comme un banquet pascal, vendredi Saint sur l’Eucharistie comme un sacrifice, tôt ce matin à la Vigile Pascale sur l’Eucharistie comme Résurrection, et à cette messe du jour, nous méditons sur l’Eucharistie comme présence réelle du Ressuscité. Jean- Paul II dans son encyclique sur l’Eucharistie note le lien entre ces différents aspects de l’Eucharistie : « Dans la Messe, la re-présentation sacramentelle du sacrifice du Christ couronné par sa résurrection implique une présence tout à fait spéciale. » (EDE 15) C’est ce qu’on a appelé la présence réelle du Ressuscité, présence réelle et donc présence adorable.

I. Une présence réelle du Christ

L’amour qui a poussé le Fils de Dieu à venir corporellement, l’a poussé à rester corporellement avec nous. L’Incarnation entraîne l’Eucharistie. Le CEC 1380  « Il est hautement convenable que le Christ ait voulu rester présent à son Eglise de cette façon unique. Puisque le Christ allait quitter les siens sous sa forme visible, il voulait nous donner sa présence sacramentelle. (…) Dans sa présence eucharistique il reste mystérieusement au milieu de nous comme celui qui nous a aimés et qui s’est livré pour nous. »

Pourquoi dit-on que cette présence est réelle ?

Est-ce que les autres modes de présence du Christ ne sont pas réels ? Le Concile Vatican II dans SC7 dit que Jésus est présent pendant le sacrifice de la messe, dans la personne du ministre, dans les sacrements, dans sa Parole, lorsque l’Eglise prie et chante les psaumes. Avec Mt 25,31s, on peut rajouter qu’il est présent dans les prisonniers, les pauvres , les malades … Paul VI précise qu’on la « nomme ‘réelle’, non à titre exclusif, comme si les autres présences n’étaient pas ‘réelles’, mais … parce qu’elle est substantielle, et que par elle le Christ, Homme-Dieu, se rend présent tout entier ». (EDE 15) Réel, cela vient de latin ‘res’, la chose ; c’est donc la présence la plus ‘choisifiée’, ou pour employer un mot de la philosophie la plus ‘substantielle’. C’est ce qu’expliquera le Concile de Trente : « Par la consécration du pain et du vin s’opère le changement de toute la substance du pain en la substance du corps du Christ notre Seigneur et de toute la substance du vin en la substance de son sang ; ce changement, l’Église catholique l’a justement et exactement appelé transsubstantiation ». 

Ce concept de transsubstantiation a été trouvé au 12ème siècle, pour affiner ce qui avait toujours été la foi des chrétiens.

Il émane des débats entre théologiens au Moyen-Âge, et a été précisé par Saint Thomas d’Aquin : 1/ la conversion de la substance est une condition sine qua non de la présence du Christ : non être là > changement par le sacrement > être là ; tandis que les apparences demeurent ; 2/ l’eucharistie ne produit rien de nouveau en Christ, mais il est nouveau qu’il soit là.

Mais ensuite les débats ont continués, et cela a encore permis d’approfondir le mystère. 

– Ainsi au 16ème siècle, les réformateurs se sont divisés sur la compréhension de la présence du Christ dans l’Eucharistie, et aujourd’hui encore ils sont divisés sur cette présence réelle. Le concile de Trente leur a répondu à sa 13ème session en 1551, par un décret sur la Très Sainte Eucharistie en affirmant la présence du Christ par trois adverbes : vraiment, réellement, substantiellement.

– Plus récemment, la philosophie du langage nous a aidé à comprendre que nos paroles ont tantôt une fonction descriptive, ‘cette moquette est rouge’, ou une fonction performative, qui accomplit ce qu’elle dit : ‘Vous êtes licencié’, ou ‘vous êtes en état d’arrestation’. A la création, Dieu dit ‘que la lumière soit’ et la lumière fut. Et bien Jésus est la parole incarnée, le verbe de Dieu dira saint Jean. Quand il prends le pain et dit ceci est mon corps, cela devient son corps. Cette parole efficace du Christ continue par l’Eglise et le prêtre, qui agit ‘in persona Christi’ quand il dit les paroles de la consécration. (Mgr Robert Barron, Eucharistie, Edition Docteur Angélique 2020, page 128)

Pourtant cette présence reste cachée !

Car nul ne peut voir Dieu. Voir Dieu, nous aurions peur ! Qui a peur d’un petit enfant dans la crèche, qui a peur du pain ? Alors au delà des recherches théologiques, il y a la nécessité d’un acte de foi. Le CEC 1381 affirme : « La présence du véritable Corps du Christ et du véritable Sang du Christ dans ce sacrement, on ne l’apprend point par les sens (…) mais par la foi seule, laquelle s’appuie sur l’autorité de Dieu : ‘Ceci est mon Corps qui sera livré pour vous’. Saint Cyrille déclare: « accueille avec foi les paroles du Seigneur, parce que lui, qui est la Vérité, ne ment pas ».

Jean-Paul II nous inviter à exercer cet acte de foi avec Marie. Il est grand le mystère de la Foi ! Mysterium fidei ! « Si l’Eucharistie est un mystère de foi qui dépasse notre intelligence au point de nous obliger à l’abandon le plus pur à la parole de Dieu, nulle personne autant que Marie ne peut nous servir de soutien et de guide dans une telle démarche. Lorsque nous refaisons le geste du Christ à la dernière Cène en obéissance à son commandement: ‘Faites cela en mémoire de moi!’ (Lc 22, 19), nous accueillons en même temps l’invitation de Marie aux noces de Cana à lui obéir sans hésitation: ‘Faites tout ce qu’il vous dira’ (Jn 2, 5). » EDE 54 

« En un sens, Marie a exercé sa foi eucharistique avant même l’institution de l’Eucharistie, par le fait même qu’elle a offert son sein virginal pour l’incarnation du Verbe de Dieu. (…) Dans la continuité avec la foi de la Vierge, il nous est demandé de croire que, dans le Mystère eucharistique, ce même Jésus, Fils de Dieu et Fils de Marie, se rend présent dans la totalité de son être humain et divin, sous les espèces du pain et du vin. » EDE 55

II. Si cette présence est réelle, elle est donc une présence adorable. 

Ce qu’on appelle l’adoration eucharistique est un un échange de regards

Voir Dieu est un désir profond de l’Homme.

« Nous voulons voir Jésus » (Jn 12,21) demandent quelques grecs à l’Apôtre Philippe, c’était l’évangile du 5ème dimanche du Carême.

Et effectivement, dans l’adoration, nous le regardons. Alors regardons le ! Il y a une dévotion mal comprise à la messe qui fait baisser les yeux quand le prêtre élève le Corps du Christ après l’avoir consacré. Au contraire, levons les yeux vers lui, puis ensuite avec le Prêtre, faisons une inclination.

Cela correspond en quelques sorte à la prophétie du prophète Zacharie reprise pas Jésus en Jn 19,37 : « Ils regarderont vers celui qu’ils ont transpercé. »

Jean-Paul II témoigne de son expérience personnelle. « Il est bon de s’entretenir avec Lui et, penchés sur sa poitrine comme le disciple bien-aimé (cf. Jn 13, 25), d’être touchés par l’amour infini de son cœur. Si, à notre époque, le christianisme doit se distinguer surtout par « l’art de la prière », comment ne pas ressentir le besoin renouvelé de demeurer longuement, en conversation spirituelle, en adoration silencieuse, en attitude d’amour, devant le Christ présent dans le Saint-Sacrement ? Bien des fois, chers Frères et Sœurs, j’ai fait cette expérience et j’en ai reçu force, consolation et soutien ! » EDE 25

C’est bien l’expérience de Marie, tel que la relate Jean-Paul II : « Le regard extasié de Marie, contemplant le visage du Christ qui vient de naître et le serrant dans ses bras, n’est-il pas le modèle d’amour inégalable qui doit inspirer chacune de nos communions eucharistiques ? » EDE 55

Inversement, voir l’homme est une joie de Dieu.

C’est l’expérience du Peuple élu. En Exode 3, 7 « Yahvé dit à Moïse : « J’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Egypte. » Oui, Dieu se penche du haut du ciel et pose un regard d’amour sur l’humanité blessée. Alors ce peut être notre expérience dans l’adoration, nous laisser regarder par Jésus Eucharistie. Il y a sur la paroisse de Gap en l’église des Cordeliers, l’adoration continue. Je ne sais où nous en sommes en raison du covid, mais je souhaite vous y encourager, répondant à l’appel du pape Jean-Paul II : « Il revient aux pasteurs d’encourager, y compris par leur témoignage personnel, le culte eucharistique, particulièrement les expositions du Saint-Sacrement (…) EDE 25. Pour ma part, j’essaie de prendre une heure d’adoration chaque matin dans la chapelle de l’évêché, avec le couple qui habite avec moi. 

Voici ce qu’en disait le st Curé d’Ars :  « Ah ! Si nous avions les yeux des anges, en voyant NSJC qui est ici présent, sur cet autel, et qui nous regarde, comme nous l’aimerions ! Nous ne voudrions plus nous en séparer ; nous voudrions toujours rester à ses pieds ; ce serait un avant-goût du ciel ; tout le reste nous deviendrait insipide. Mais voilà ! … c’est la foi qui nous manque. »

Pour terminer, je relève que St Pierre dit aussi au centurion romain : « Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner »

En début de cet après-midi sera mis en ligne mon message pascal aux Hauts-Alpins, sous la forme d’une vidéo. J’y relève qu’il y a aussi dans nos vies des joies pascales, où nous passons d’une certaine mort à une vie plus intense, plus belle, et je suis certain que vous en avez vécu.

Cette Cathédrale a vécu beaucoup de Résurrection, puisque ce serait la 6ème cathédrale sur le même emplacement. L’un des organistes de Gap, Michel Bernard-Reymond m’a alerté d’un évènement de Résurrection, les 40 ans des grands orgues de notre cathédrale. Les orgues précédentes avaient été construites pendant la seconde guerre mondiale avec les moyens du bord, puis comme elles se dégradaient, il y a eu presque 20 ans sans grandes orgues, puis la décision de les reconstruire entièrement. Ce fut donc une renaissance, une résurrection de l’Orgue le 4 avril 1981. Puisse cet anniversaire des 40 ans de nos grandes orgues, vous remplir de foi.

Il y a des Résurrections dans nos vies, aussi dans nos pays, et nous pensons aux pays en guerre. Après la passion, il y a la Résurrection ! Oui, un jour, après la fin de cette épreuve mondiale de la pandémie, nous pourrons nous embrasser à nouveau, nous pourrons boire un verre de l’amitié ensemble ! Ce sera une icône de la joie pascale. Continuons à être courageux ; que cette joie de Pâques s’installe durablement dans nos cœurs. Amen !

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Cet article a été rédigé par le service communication du diocèse de Gap.