                   |
Homélie de Mgr Xavier Malle
En ce jour saint, nous faisons mémoire de la dernière Cène, au cours de laquelle Jésus institua l’eucharistie. Comme ce dernier repas s’est déroulé pendant la Pâque hébraïque, nous avons en première lecture le texte du livre de l’Exode.
Le peuple hébreu est esclave en Égypte et l’oppression devient encore plus terrible car Pharaon a ordonné la mort des bébés garçons. Dieu ne peut laisser disparaître ainsi son peuple, et il donne ses consignes à Moïse et Aaron. Chaque famille doit se procurer un agneau et, le soir, le mettre à mort et marquer avec son sang les portes des maisons des Hébreux. Et Dieu explique : « Je traverserai le pays d’Égypte, cette nuit-là ; je frapperai tout premier-né au pays d’Égypte. […] Le sang sera pour vous un signe, sur les maisons où vous serez. Je verrai le sang, et je passerai : vous ne serez pas atteints. » Le sang est le signe de la vie, le signe que le fléau doit passer outre. C’est cela ce que signifie le mot « Pâque » en hébreu : passer outre. Depuis, chaque année, chaque famille juive célèbre cette pâque. Jésus aussi, comme tout juif.
J’ouvre une parenthèse douloureuse : Cette semaine, en plus de l’attentat de Carcassonne, dont j’ai parlé aux homélies des Rameaux et de la messe chrismale, nous avons vécu le drame de l’assassinat en raison de sa religion juive d’une personne âgée, Madame Mireille Knoll, rescapée des camps de concentration. J’ai dit au représentant de la communauté juive de Gap ma profonde communion de douleur et l’ai assuré de mon plein engagement à ses côtés. L’antisémitisme est un péché gravissime, en tant que tel, mais plus encore pour les chrétiens, car Jésus lui-même était juif. N’oublions jamais les paroles de saint Jean Paul II lors de sa visite à la synagogue de Rome en 1986 : « Vous êtes nos frères préférés et, d’une certaine manière, on pourrait dire nos frères aînés ». Fin de la parenthèse.
Jésus célèbre la Pâque juive et la prépare soigneusement. Saint Paul dans la seconde lecture nous le rapporte. Et là il se passe une chose incroyable : Jésus anticipe sa mort, et en fait un instrument de salut et de présence. « Certes, nous ne savons pas avec certitude si le dernier repas de Jésus fut un repas pascal ou si, à l’heure où l’on égorgeait les agneaux pour la Pâque, il répandait déjà son sang sur la croix. Mais dans les deux cas, la connexion étroite avec la Pâque juive est évidente : ou bien Jésus a institué son nouveau repas au cours de l’ancien repas pascal, déclarant ainsi qu’il était la véritable Pâque ; ou bien il mourut lui-même en même temps que le sang des agneaux de Pâque coulait dans le Temple, révélant ainsi qu’il était le nouveau et véritable agneau pascal. » (Joseph Ratzinger, Le nouveau peuple de Dieu, pages 8 et 9)
Symboliquement, Jésus anticipe sa mort, en séparant son corps et son sang : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. » Cela n’a pu échapper à aucun de ses disciples, il a pris la place de l’agneau pascal. Ainsi, par le même geste, il en fait l’instrument du salut et l’instrument de sa présence, en demandant à ses disciples de le reproduire ; ce sera l’eucharistie : « Faites cela en mémoire de moi. » Jésus avait déjà annoncé qu’il allait être trahi, et le jeudi saint il donne sa vie, et fait le don de sa présence future. Pour récapituler l’eucharistie qu’il a instituée, on peut dire que l’eucharistie, c’est trois choses :
1/ le sacrifice de sa vie, et nous nous offrons avec lui,
2/ le banquet pascal, la communion,
3/ la présence réelle, l’adoration.
Cette présence, nous allons pouvoir en goûter cette nuit près du reposoir, aussi pour accompagner Jésus au jardin de son agonie.
L’évangile de saint Jean ne rapporte pas la dernière Cène, car tout le chapitre 6 est sur le pain de vie, mais à la place il nous indique une voie royale pour suivre Jésus dans le don de sa vie, avec le lavement des pieds de ses disciples. Ce soir, chaque curé le fait avec ses paroissiens. C’est un geste fort pour rappeler ce que Jésus a fait par amour avant la fête de la Pâque, comme dit saint Jean : « Sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » Cela nous rappelle qu’il « n’est pas venu pour être servi mais pour servir », pour nous servir, nous, et nous inviter à faire de même. Rendons-nous compte : Jésus, qui était Dieu, lave les pieds de ses disciples. Aujourd’hui le curé ou l’évêque, en prenant exemple sur Jésus, lave les pieds de ses fidèles pour leur signifier qu’il est leur serviteur. Symboliquement, quand je suis à la cathédrale, et ce depuis le jour de mon ordination, je porte sous la chasuble une dalmatique, le vêtement du diacre, le vêtement du serviteur.
Frères et sœurs, priez pour vos prêtres, pour vos diacres, et s’il vous reste un peu de temps, pour votre évêque. Que nous soyons chacun toujours plus identifiés au Christ serviteur. Que nous prenions toujours plus conscience que l’autorité du ministère sacerdotal ou épiscopal ne peut se réaliser que sous la forme du service. Priez aussi pour que de nombreux jeunes répondent à l’appel du Seigneur à être prêtres, pour offrir le sacrifice du Christ et s’offrir en sacrifice pour la Gloire de Dieu et le Salut du Monde.
Je vous propose de prier pour les prêtres des Hautes-Alpes, avec une prière écrite par Marthe Robin, que j’aime à réciter le matin. « Mon Père, entretenez et fortifiez en chacun de vos prêtres le désir ardent de la vie intérieure, de la vie surnaturelle intime, l’amour et la soif dévorante des âmes auxquelles ils ont à vous communiquer et à vous donner sans cesse et toujours. Père, faites-leur à tous un cœur débordant de confiance filiale et débordant d’amour. Faites-leur comprendre, ô mon Dieu, que toute leur vie ici-bas doit être la continuation et la reproduction parfaite de celle du Christ en vous, pour parler et agir efficacement. » Amen. |