Qui n’a pas entendu parler des « Aventures de Pinocchio » ? Mais, paradoxalement, cette œuvre mondialement connue est largement méconnue. En effet, comme la plupart des enfants, j’ai découvert Pinocchio dans un
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Sans entrer dans toutes les péripéties
Le vieux Geppetto sculpte un pantin de bois, Pinocchio, dont il est très fier. Mais celui-ci ne pense qu’à s’amuser égoïstement. Il s’enfuie plusieurs fois, refuse d’aller à l’école et se laisse abuser par des individus sans scrupules (le Renard et le Chat) qui l’entraînent sur de mauvais chemins. Chaque fois qu’il s’égare, une catastrophe fond sur lui, dont les conséquences négatives atteignent aussi d’autres personnes. Heureusement, il rencontre aussi des amis (le Grillon parlant, sa bonne conscience envers qui il n’aura aucune reconnaissance et surtout une mystérieuse Fée).
Au fil de ses multiples expériences, toutes négatives à première vue, Pinocchio prend peu à peu conscience que le bonheur qu’il cherche n’est pas dans la facilité et ne peut être atteint que par la voie de l’amour.
Dans son livre « Voici quel est notre Dieu », le Cardinal Ratzinger (futur Benoît XVI) écrit : « Ne plus être capable d’aimer conduit au vide absolu où l’homme est en contradiction avec soi-même et où son existence est vraiment un échec. »
Pinocchio se repent de sa mauvaise conduite, cause de souffrance pour lui-même et pour ceux qu’il aime. Mais tout n’est pas gagné pour autant. C’est alors qu’il mène le combat le plus dur, non seulement contre les tentateurs, mais encore contre ses mauvaises habitudes tenaces. Il résiste de mieux en mieux aux diverses tentations, mais il rechute encore. Il accepte enfin de faire confiance à ses vrais
La création
Avant même de commencer à fabriquer son pantin, Geppetto l’aime déjà : ce sera « … un
Même si Geppetto avait d’abord envisagé de tirer profit des talents de son pantin, cet objectif est rapidement éclipsé par un amour désintéressé, inconditionnel, pour tout dire un amour fou.
Le risque
De même que Dieu n’a pas créé l’homme pour en faire un esclave, Geppetto n’a pas fabriqué Pinocchio pour le retenir par des ficelles. Il lui donne sa liberté
Mais, comme Dieu avant lui, Geppetto a pris le risque de voir ses projets contrariés : « Quand ses jambes furent dégourdies, Pinocchio commença à marcher tout seul… puis il prit la porte, sauta dans la rue et décampa. »
Dans le livre cité plus haut, le Cardinal Ratzinger écrit encore : « Dieu a créé une vraie liberté et accepte que ses projets soient contrariés (même si, d’une certaine manière, il s’arrange pour que du neuf puisse en sortir). D’ailleurs, l’histoire le montre. C’est d’abord le péché d’Adam qui renverse le projet de Dieu. La réponse de Dieu est de se donner encore plus fortement, de se donner lui-même dans le Christ.
Alors que Pinocchio, de retour de sa première fugue, s’était retrouvé sans pieds après s’être endormi les pieds sur le réchaud, Geppetto : « … avait les yeux pleins de larmes et le cœur plein de compassion à voir son pauvre Pinocchio dans cet état pitoyable ». Non seulement il lui refait les pieds, mais lui donne tout ce qu’il a à manger et se dépouille de son veston pour lui acheter un abécédaire.
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La succession des fautes
La liberté implique fatalement de prendre une certaine distance vis-à-vis du père. L’être libre ne subit plus seulement l’influence de son père, mais se trouve plongé dans le monde avec ses multiples influences, ses tentateurs (comme le Renard et le Chat pour Pinocchio, comme le serpent pour Eve), mais aussi ses anges gardiens (comme le Grillon ou
Chaque fois qu’il prend conscience d’avoir commis une faute, il la regrette sincèrement et il prend aussitôt de bonnes résolutions. Il n’est malheureusement pas capable de les tenir longtemps (que celui qui a toujours scrupuleusement tenu toutes ses résolutions lui jette la première pierre). Saint Paul lui-même le confesse : « … ce qui est à ma portée, c’est d’avoir envie de faire le bien,
La souffrance
Cette prise de conscience de Pinocchio ne résulte pas de belles théories ni de grands discours,
On peut même dire que c’est une chance pour Pinocchio que la sanction soit pratiquement immédiate. Tenté par l’appât du gain, il se laisse entraîner très loin pour planter ses quelques pièces d’or dans le Champ des miracles, supposé apte à les faire fructifier. En rentrant, il est attaqué par des assassins qui le pendent à un arbre. Il est tiré de cette mauvaise posture par
Arrêtons-nous un instant sur le personnage
Une autre de ses fugues de Pinocchio se termine par une grande humiliation : sa paresse l’ayant conduit au Pays des joujoux où toute occupation consiste à s’amuser, il se trouve transformé en ânon ! L’allongement de son nez et plus encore sa transformation en ânon sont des signes d’une rupture d’harmonie. Mais une humiliation peut être salutaire. Sainte Bernadette, qui a elle-même subi beaucoup d’humiliations, disait : « Il faut beaucoup d’humiliations pour faire un peu d’humilité. »
En outre, pour Pinocchio, il ne s’agit pas seulement de sa propre souffrance (que l’on peut comparer à celle du fils prodigue revenant vers son père poussé par la faim),
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Le passage par la mort
Saint Paul met en garde ses correspondants romains : « Qu’avez-vous récolté à commettre des actes que vous regrettez maintenant ? En effet, ces actes mènent à la mort » (Rom 6,21). Pinocchio frôle plusieurs fois la mort. Quand il se trouve pendu à l’arbre, son réflexe est un cri vers son père : « Oh ! Mon cher papa, si tu étais ici ! » qui n’est pas sans rappeler le cri
Sans nouvelles de Pinocchio, Geppetto part à sa recherche. Pour cela, il n’hésite pas à affronter la mer qui, dans
La rédemption
Pinocchio court de grands dangers dont il ne peut se sortir seul. A l’image du bon Berger, Geppetto est allé à la recherche de son fils perdu. Il et alors affronté à l’obscurité. C’est encore une allusion au Berger qui dit : « … je veillerai sur mes brebis et j’irai les délivrer dans tous les endroits où elles ont été dispersées un jour de brouillard et d’obscurité » (Ezéchiel 34,12).
Mais, de même que le salut offert par Jésus n’est efficace que s’il est accueilli, le sacrifice de Geppetto ne servirait à rien si Pinocchio n’allait pas aussi à la recherche de son père. Quand Pinocchio est avalé par le Requin, il est frappé par l’obscurité. Le début du salut, vient d’une « petite lueur ». C’est en acceptant de se laisser guider par cette lueur qu’il retrouve Geppetto et qu’il peut confesser ses fautes, recevoir le pardon, source pour tous les deux d’une explosion de joie.
La résurrection
De même que
C’est une résurrection pour ce dernier qui se montre alors capable d’actions héroïques pour sortir Geppetto des entrailles du monstre ; mais ce n’est pas cet héroïsme qui peut le sauver, mais le fait de sortir de son égoïsme et de se tourner vers les autres.
A plusieurs reprises déjà,
Le Grillon parlant, que l’on croyait mort, réapparaît et pardonne à Pinocchio qui devient lui-même capable de pardonner à son camarade de classe Lumignon (celui-ci s’était rangé du côté du Renard et du Chat pour l’entraîner au Pays des joujoux et avait été sanctionné plus durement que Pinocchio). Le Renard et le Chat, symboles des puissances du mal, ne sont plus que des infirmes inoffensifs. L’ancien pantin n’est plus qu’une chose morte, mais qui subsiste comme un rappel pour éviter à Pinocchio de retomber dans ses erreurs passées. Selon la recommandation de saint Paul, Pinocchio s’est dépouillé du vieil homme pour entrer dans sa nouvelle vie.
Danielle Hutzler-Barre