Lundi 1er Novembre 2021 – Fête de la TOUSSAINT à 10h00 à l’Abbaye de ROSANS
Profession solennelle de soeur Marie-Laetitia de Penfentenyo
MONITION OUVERTURE
Dans quelques instants, je vais demander à Soeur Marie-Laetitia : « Par le baptême, vous êtes morte au péché et consacrée au Seigneur, voulez-vous mener à sa plénitude cette consécration à Dieu par la profession monastique ? »
Mener à sa plénitude notre consécration baptismale, c’est l’oeuvre de toute une vie, de toutes vos vies chères moniales de Rosans, de toutes nos vies.
Et c’est une belle définition de la sainteté, alors que nous célébrons aujourd’hui la fête de tous les saints, c’est à dire des innombrables saints anonymes, des ‘saints de la porte d’à côté’ comme notre saint Père aime les nommer.
Alors cette date du 1er novembre pour une profession solennelle n’est pas seulement un accord entre mon agenda épiscopal et celui de la famille de Penfentenyo, c ‘est un accord profond de ces deux fêtes qui n’en font plus qu’une, la Toussaint et une profession monastique. C’est donc un acte de la Providence divine. Nous sommes dans l’action de grâce aujourd’hui, et pour ma part personnelle, dans une joie de vous retrouver ici dans les Hautes-Alpes, chère famille de Penfentenyo, alors que nous avons servis ensemble le Royaume de Dieu dans le scoutisme d’Europe à Tours, puisque chère soeur vous étiez Akéla de louveteaux et votre maman cheftaine de district et que j’en étais le Conseiller Religieux, sans oublier nos missions ensemble au Sanctuaire de L’Ile-Bouchard. Notre-Dame de la prière veille sur cette rencontre et vous offrez ce jour une statue à la Communauté.
« Par le baptême, vous êtes morte au péché et consacrée au Seigneur. » Nous le savons, en ce qui nous concerne, cette mort au péché doit aussi être menée à sa perfection, et pas seulement notre consécration, les deux allant ensemble. Avec une grande confiance en Dieu, nous implorons sa miséricorde.
HOMELIE
Vivement le Ciel ! Saint Jean dans son Apocalypse nous décrit une vision du Ciel. On a souvent présenté la Vie religieuse comme une anticipation du Ciel. Et bien les moines et moniales nous en offrent également une vision, car ils commencent sur terre ce que nous accompliront au Ciel. Je retiens 4 citations de ce passage de l’Apocalypse :
1/ Saint Jean contemple « une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer,une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. » Quel lien peut-on faire entre cette foule immense et la vocation monastique ? Peut-être nous rappeler que la vocation d’une moniale n’est pas une vocation égoïste pour faire son salut propre, mais elle est d’entraîner le monde vers Dieu. Don Delatte, abbé de Solesme, dans son commentaire sur la Règle de saint Benoît écrivait : « Nous consentons à ne rien produire qui se voit et se palpe et à n’avoir pas d’autre utilité que celle d’adorer Dieu. Nous croyons pourtant à la valeur apostolique et sociale de notre prière, et nous pensons atteindre directement par elle non seulement Dieu, mais encore le prochain. Sans parler de son influence secrète sur la marche providentielle des événements, n’y a t’il pas une prédication très efficace dans le spectacle d’un office divin dignement célébré ? »
2/ « Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau » … « se jetant devant le Trône, face contre terre,ils se prosternèrent devant Dieu ». Ils alternent la position debout, signe de la Résurrection à venir, et la prosternation ; on croit assister à une profession solennelle. Au moment de votre consécration, vous allez vous prosterner, signe d’une remise totale de votre personne à Dieu. Saint Théodore Studite définissait ainsi au 9ème siècle la vie monastique: « Le moine est celui qui n’a de regard que pour Dieu seul, de désir que pour Dieu seul, et qui, ne voulant servir que Dieu seul, devient cause de paix pour les autres ». C’est le sens des voeux monastiques que vous prononcerez dans quelques instants et qui sont incompréhensibles pour notre temps. Leur aspect contestataire a cela de commun avec les béatitudes, contestant une fausse idée du bonheur. Quand le monde dit bienheureux les riches, Jésus dit bienheureux les pauvres, et vous prononcez le voeux de pauvreté ! Quand le monde dit bienheureux les puissants, Jésus dit bienheureux les doux et vous prononcez le voeux d’obéissance !
Dans la tradition bénédictine les voeux religieux sont répartis de la manière suivante :
– D’abord la Règle de saint Benoît prévoit un voeu de stabilité, toute la vie dans une même abbaye, ici à Rosans, sauf si vous êtes envoyée en fondation comme vos aînées venues de Jouques. Qu’est-ce qui pousse une jeune femme à décider d’entrer définitivement en clôture comme vous allez le faire ? Ce n’est pas par souci de diminuer votre empreinte carbone, en arrêtant de voyage, ce qui serait déjà bien, mais c’est parce que vous avez découvert que la vraie aventure est intérieure, l’exploration du monde intérieur, de la contemplation, du monde de Dieu.
– Puis pour garder trois voeux, la tradition bénédictine regroupe les voeux de chasteté et pauvreté, dans le voeu de suivre le chemin de l’évangile et de conversion ; pour suivre le mode de vie de Jésus. Ainsi le célibat sacré qu’il a embrassé, ainsi la pauvreté. Comme dit notre psaume : « Au Seigneur, le monde et sa richesse. »
– Et enfin le voeu d’obéissance, qui rend disponible à la volonté de Dieu.
3/ Ils étaient « vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main » « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. » Pour vous cela va d’abord être une coule noire, car la grande épreuve est la vie elle-même.
Ces paroles de saint Jean m’ont fait penser dans la nouvelle traduction du Missel romain en français, utilisable à partir du 1er dimanche de l’Avent, à l’embolisme, la prière qui développe et amplifie la dernière demande du ‘Notre Père’. Nous supplions le Seigneur de nous délivrer de toute sorte de mal et de nous protéger de toute épreuve en cette vie, nous qui attendons ici-bas que se réalise la “bienheureuse espérance”, c’est-à-dire l’avènement de Jésus Christ, je cite la nouvelle traduction : “Délivre-nous de tout mal, Seigneur, et donne la paix à notre temps : soutenus par ta miséricorde, nous serons libérés de tout péché, à l’abri de toute épreuve, nous qui attendons que se réalise cette bienheureuse espérance : l’avènement de Jésus Christ, notre Sauveur.” A l’abri de toute épreuve, cela peut sembler audacieux comme traduction, car les épreuves ne manquent jamais dans une vie et dans une vie monastique ! Mais vous serez soutenue par la miséricorde divine ; cette miséricorde sera votre abri, son coeur miséricordieux sera votre demeure.
4/ « Le salut appartient à notre Dieuqui siège sur le Trône et à l’Agneau ! » « Amen ! Louange, gloire, sagesse et action de grâce, honneur, puissance et force à notre Dieu, pour les siècles des siècles ! Amen ! » Au ciel, ce sera une prière de louange pure, désintéressée. On le sait, les moines ne cherchent pas à servir à quelque chose, mais à servir quelqu’un, Dieu. A lui rendre l’honneur qui lui est dû.
En conclusion, revenons sur le bonheur paradoxal scandé par Jésus dans les Béatitudes : Bienheureux ! Chacun de nous, selon notre vocation propre, est appelé par Dieu à la sainteté. C’est cela le vrai bonheur, car comme le disait magnifiquement Léon Bloy, « il n’y a qu’une tristesse, c’est de n’être pas des saints ». La vie monastique est l’une des réponses pour répondre à notre vocation commune à la sainteté et trouver ce bonheur.
Le 5 octobre 1986 au stade Gerland à Lyon, saint Jean-Paul II a prononcé des paroles qui ont profondément marqué ma jeunesse. Je le cite (§16) : « Dans le Corps du Christ, (des) membres se sentent appelés à tout quitter pour suivre le Christ à la lettre, dans la vie religieuse ou les instituts de vie consacrée, en demeurant chastes, pauvres, disponibles, pour mieux signifier le Royaume de Dieu à venir. C’est une merveilleuse vocation, essentielle elle aussi à l’Eglise. Elle ne s’explique que par un surcroît d’amour pour le Christ, comme celui de la fiancée pour l’époux. Bienheureux ceux qui entendent cet appel, et qui ne l’étouffent pas ! » Amen !
