Saint Honorat
Venez boire à la source…
Serre de Monet, sommet de la Peyle, crête de Pibouyre, Gardette, Pastourelle …

La ligne d’horizon danse au-dessus de Chapaïsses. Au centre, une colline. Ce n’est ni la plus haute, ni la plus spectaculaire. Au sommet, une croix veille : Saint-Honorat.
Lundi de Pentecôte. l’Esprit Saint est tout neuf. Et la petite cloche d’ordinaire si discrète s’égosille. Offerte jadis pour fêter le retour d’un enfant du pays, elle se réjouit chaque année de voir monter vers la chapelle, sur le chemin caillouteux, la longue file des pèlerins. Car on s’y rend en procession – voie étroite oblige ! – depuis des siècles, pour demander l’eau bienfaisante et la protection.
De l’ermite présent en ces lieux, la légende est incertaine, le souvenir lointain. Qu’importe ! L’élan est donné. On s’est retrouvés dans les prés de Mians, on a compté les troupes. En route ! On grimpe, on jauge la pente, on s’inquiète, on s’encourage. On salue le hêtre centenaire et noueux, on guette la source, on quête un nom de fleur… Surtout, on se retrouve à grands éclats de rire, on se découvre, on repère un air de famille, on s’invente un cousinage : on tisse et retisse des liens. Et la file s’étire, de l’ombre fraîche au grand soleil, marquant le chemin joyeux de pierres humaines et colorées.

Là-haut, au milieu des genêts, déjà les gens de Chapaïsses ont installé l’autel champêtre. Un à un émergent des buissons le randonneur alerte équipé de pied en cap, le marcheur d’un jour essoufflé et ravi, la bande de gamins avide d’escalader le dernier rocher, le natif du pays qui n’y revient qu’une fois l’an pour cette fête, l’aîné victorieux de ses rhumatismes, un groupe de Lagrand, un groupe de Ribiers… Juste assez d’effort pour apprécier la récompense : une chapelle minuscule et fraîche, un paysage immense.
Après un temps, le brouhaha s’apaise. On se serre sur les bancs, on s’agglutine autour de la croix de bois, on se blottit sous les genêts, ébloui par tant de lumière. Et c’est maintenant la prière qui monte :
« Flamme, Joie, Vent…
Merveilles du Dieu présent en toute création ».
Autour du célébrant la communion se fait, avec nos racines, et les anciens dont l’assemblée égrène les noms, avec l’avenir de notre diocèse rassemblé la veille à Notre-Dame du Laus. L’horizon s’élargit, des Alpes à l’Afrique – le Notre Père du Burkina Faso est si joyeux et rythmé ! –, à Madagascar – et nos pensées vont aux enfants du père Pedro.
Veni, creator spiritus
Source vive, feu, charité !

Nous sommes venus boire à la source. Nous repartirons vivifiés.
Collé au mur de la chapelle, un lézard attentif a suivi toute la messe.
On descend, cœur et pied léger, rappelant le grand chien doré qui ne veut plus quitter les lieux. En bas, la fête se prolonge, sous les pins où s’improvisent des pique-niques, au village où le comité des fêtes s’active pour un repas qui met à l’honneur les produits du pays. Nouvelles rencontres, nouveaux rires et chansons. Tard dans la soirée encore, les parties de pétanque étireront une procession tout au long du village.
L’année se renouvelle sous le souffle d’En Haut.
Ensemble, nous nous sommes mis en marche. |