In memoriam – Abbé Sébastien Dubois

Homélie de Mgr Xavier Malle du 4 mars, sépulture du Père Sébastien Dubois

À l’occasion du Jubilé de la Miséricorde, il y a quelques années, et nous avons encore les traces de ce Jubilé dans notre cathédrale par ces portraits des saints de la miséricorde dans le transept sud, le pape François nous avait fait redécouvrir les «œuvres de miséricorde». Ce sont des actions concrètes, au nombre de 14, 7 œuvres spirituelles et 7 œuvres corporelles, que l’Église au fil des siècles a forgées, à partir de textes bibliques et des attitudes personnelles du Christ : le pardon, la consolation, la souffrance endurée, etc.

En quelque sorte, en pratiquant une de ces œuvres, nous continuons l’action de Jésus, sa mission qui était de transmettre au monde la miséricorde de son Père. C’est-à-dire tout l’amour de son cœur, assez grand pour accueillir nos misères, car «misericordia», on comprend qu’en français, cela veut dire un cœur, cordia, qui accueille nos misères.

Depuis vendredi, depuis ce funeste jour où le père Sébastien, votre fils, votre frère, votre ami, votre curé, votre frère prêtre, a mis fin à ses jours, vous m’avez partagé vos mots MOTS et vos maux MAUX : nous sommes atterrés, mis à terre, c’est une déflagration, c’est un tremblement de terre, c’est une désolation. Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Nous expérimentons personnellement ces SI ? SI, SI…

Frères et sœurs, qu’est-ce qu’il nous reste ?  Qu’est-ce qu’il nous reste ? : l’amour du cœur de notre Dieu.

Ce matin, je ne vais pas redire tout ce que j’ai dit ici-même dimanche dernier. En particulier sur la gravité du péché de mettre fin à ses jours, mais aussi la responsabilité personnelle souvent amoindrie par une souffrance psychique devenue intolérable.

Ce matin, nous portons toute la vie de cet homme au pied du Seigneur et nous nous y tenons nous-mêmes, implorant la miséricorde de Dieu. C’est déjà une œuvre de miséricorde.

Le pape François, dans sa catéchèse jubilaire sur les œuvres de miséricorde le 3 novembre 2016 disait : « Parmi les œuvres de miséricorde se trouve le devoir d’ensevelir les morts et de prier pour les vivants et les défunts »

« Ensevelir les morts, poursuit-il, nous fait penser au vendredi saint, lorsque Joseph d’Arimathie réclama le corps de Jésus et lui offrit son tombeau. »

Frères et sœurs, ce matin, nous sommes tous des Joseph d’Arimathie, ayant veillé un corps, ayant pris soin d’un corps, pour lui donner une sépulture digne, pour l’entourer de notre prière, de notre respect.

En disant cela, je veux avoir une parole pour nos amis des pompes funèbres, qui remplissent en notre nom cette mission avec tant de tact et de délicatesse. Pour eux aussi ce jour n’est pas ordinaire, car ils ont beaucoup travaillé avec le père Sébastien. Une de ses dernières sépultures fut jeudi dernier matin à Saint-Étienne Le Laus ; vous m‘avez dit combien cette célébration avait été profonde mais aussi joyeuse.

Ce matin, demain, que nous restera-t-il ? Il ne nous restera pas essentiellement les œuvres, pourtant nombreuses du père Sébastien sur ses paroisses successives. Comme vous m’avez dit, il avait bien plus d’une idée à la minute. Nous ferons tout pour que ces œuvres perdurent, et je pense à l’adoration permanente, à la vision pastorale, à la maîtrise de la Cathédrale les petits chanteurs des Hautes-Alpes, et dernièrement le chœur de la cathédrale. Merci à vous d’être présent pour nous aider à prier, avec également la chorale des cordeliers et notre cher organiste, les autres musiciens et les animatrices.

Ce qui restera vraiment, c’est ce qui avait déjà un goût d’éternité. C’est ce qui touche au Vrai, au Bien, au Beau, les 3 fameux transcendantaux. Ce que vous avez vécu de vrai, de bien, de beau avec le père Sébastien, et qui a été évoqué hier soir ici à la veillée de prière lors des témoignages et à l’instant par notre vicaire général. C’est précieux, car le Vrai, le Bien, le Beau, ce sont trois dimensions indispensables à la croissance de la vie intérieure. Oui, le père Sébastien vous a aidé à croître, à grandir. Vous me disiez aussi sa grande générosité. Aucun d’entre nous ne vit pour soi-même, selon l’expression de st Paul, et votre curé a vécu pour vous.

Bien sûr je ne peux passer sous silence qu’il nous a parfois tous un peu pressuré, que parfois la rugosité était grande.

Et je ne peux passer sous silence qu’il a peut-être été rattrapé par son passé. Reprenez mes mots de l’homélie de dimanche. Je n’en dirai pas plus, car dit l’Ecclésiaste, il y a un temps pour tout. Et c’est encore le temps du deuil, de la prière, de nous soutenir. Le reste, nous le déposons dans le cœur de Jésus, la miséricorde du Père.

L’une d’entre vous m’a transmis une citation de st Claude la Colombière. Soyez attentif, c’est écrit à la manière du XVIIe siècle. C’est st Claude qui pense à sa mort :  « songeant à ce qui fait de la peine à la mort, qui sont les péchés passés et les peines à venir, il s’est d’abord présenté un parti à mon esprit, que j’ai embrassé de tout mon cœur et avec une très grande consolation de mon âme. Ç’a été qu’à ce dernier moment, de tous les péchés qui se présenteront à mon esprit, soit connus, soit inconnus, j’en ferai comme un bloc que je jetterai aux pieds de notre Sauveur, pour être consumé par le feu de sa miséricorde ; plus le nombre en sera grand, plus ils me paraitront énormes, d’autant plus volontiers les lui offrirai-je à consumer, parce que ce que je lui demanderai sera d’autant plus digne de sa miséricorde. Il me semble que je ne saurais rien faire alors de plus raisonnable, ni de plus glorieux à Dieu.» (Claude La Colombière – Écrits spirituels n°9)

Nous sommes auprès du corps du père Sébastien. À l’interpellation de Marthe, «si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort», Jésus répond fermement : « Ton frère ressuscitera. »

Le Pape François, dans la même catéchèse de 2016 insiste sur notre espérance : « La sépulture, dit-il, est un acte de piété et de foi. Nous déposons dans la tombe le corps de nos chers défunts dans l’espérance de la résurrection. Nous prions pour eux afin de les confier à la miséricorde de Dieu, dans l’attente de les retrouver un jour conformément à la promesse que Jésus a faite. »

Dieu ne ment pas, frères et sœurs ; la Parole de Dieu ne ment pas ; le prophète Isaïe ne ment pas, dans la première lecture choisie par la famille : « Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin. » (parenthèse, ce n’est pas seulement parce que le p Sébastien avait un bon coup de fourchette, c’est plus profond, car Isaïe poursuit 🙂  « Sur cette montagne, il fera disparaître le voile de deuil qui enveloppe tous les peuples et le linceul qui couvre toutes les nations. Il fera disparaître la mort pour toujours. Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages. »

Oui, il y a comme un voile qui est descendu sur nos vies, sur nos esprits, sur notre prière même. Un gros nuage noir, un mauvais temps, comme lundi. Mais ce matin, c’est le ciel des Hautes-Alpes avec ce bleu intense que nous aimons tant. Il nous dit quelque chose du vrai Ciel, le Ciel divin, où il n’y aura plus de larmes, mais l’amour de Dieu. Poursuivons Isaïe : Et ce jour-là, on dira : « Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvé ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions. » Oui, nous supplions Dieu pour le salut éternel de notre frère ; pour qu’après son purgatoire, ce temps de purification de tous ses péchés, il connaisse le bonheur sans fin de voir Dieu.

Le pape François encourageait aussi la prière pour les vivants, dans la « communion des saints » : « Le souvenir des défunts ne doit pas nous faire oublier de prier pour les vivants. Dans la Communion des saints, nous sommes tous réunis dans la communauté de ceux qui, plongés dans la vie de Dieu et vivant de son amour, ont reçu le baptême et se sont nourris du Corps du Christ.

Oui, nous prions pour les vivants. Nous prions d’abord pour sa famille, toute sa famille.

Nous prions pour ses amis, pour ses paroissiens successifs, d’Ancelle, Veynes et Gap, pour les différents groupes qu’il accompagnait, et je pense à ses équipes Notre-Dame successives, à son équipe de vie de prêtres de la même génération.

Frères et sœurs, montons, réfugions-nous à Notre-Dame du Laus, la Sainte Vierge Marie, venue visiter nos montagnes. Qu’elle console notre cœur. Qu’elle nous conduise toujours plus à son fils.

Qu’avec Marthe, nous puissions dire à Jésus : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu. »

Jésus, j’ai confiance en Toi.

Amen.

Présentation par le père Jean-Michel Bardet, vicaire général du diocèse de Gap, au début de la messe

Le père Sébastien Dubois est né le 14 décembre 1973 à Rouen ; il a reçu le baptême un 14 juillet… l’année suivante, à St Vaast-la-Hougue (diocèse de Coutances) où il sera inhumé samedi prochain. Pendant ses études scolaires, il participera à la vie des aumôneries, partageant ce temps de découverte de la foi, notamment avec quelqu’un qui, par la suite, deviendra un confrère de séminaire puis un de ses confrères prêtre du diocèse de Gap.

Désireux de devenir prêtre, il est envoyé au séminaire d’Issy-les-Moulineaux, transitera un moment par le séminaire d’Ars, puis finira sa formation initiale à Aix-en-Provence pour le diocèse de Gap, vivant un stage pastoral à Bouc-Bel-Air, paroisse dans laquelle il apportera déjà son dynamisme.

Ordonné diacre le 3 juin 2001, il accomplira son stage diaconal dans la paroisse de Saint-Bonnet-en-Champsaur et sera ordonné prêtre le 9 mai 2002 à la cathédrale de Gap.

Nommé curé d’Ancelle au 1er septembre 2002 en poursuivant son service de la pastorale des jeunes dans le doyenné du Champsaur, il reçoit le 1er septembre 2004 la charge des paroisses du Haut-Champsaur à la suite du père Joseph Aubin.

En octobre 2007 il est nommé pour 6 ans curé du Veynois, en portant également la responsabilité du Service diocésain des vocations. En 2010, Il devient doyen du Buëch-Dévoluy, prenant aussi en charge la paroisse de Serres, des communes attenantes, mais aussi de la Roche-des-Arnauds avec le père Rabearison.

Nommé vicaire épiscopal pour l’Enseignement catholique dès 2013, c’est aussi en septembre de cette même année qu’il arrive à Gap comme curé-doyen de la nouvelle paroisse Saint-Arnoux, accompagné par des paroissiens de son précédent secteur, dans une démarche symbolique de pèlerinage. Comme curé de la cathédrale, il devient membre du Chapitre cathédrale – ce sont d’ailleurs ces insignes de chanoine dont il est revêtu présentement. Il assumera conjointement la tâche d’aumônier diocésain de la pastorale des jeunes jusqu’en 2016.

Tout au long de son parcours ministériel, le père Dubois n’économisera jamais ses forces, au risque de s’épuiser lui-même, et quelque fois d’épuiser ses ouailles… ou ses confrères. Il aimait finalement beaucoup croiser le fer, aussi bien au civil, qu’au religieux.

Déployant volontiers son talent apostolique (tout autant que les tentures dans les églises…), il invitait ses paroissiens au fil de ses missions à vivre l’adoration eucharistique et la prière des heures : une intériorité qui tracera chez certain un vrai chemin de rencontre avec le Christ.

Son souci des plus fragiles, (sans doute avait-il hérité de sa maman les inspirations de l’abbé Pierre), son attention aux « cabossés de l’existence », aux confrères âgés, aux personnes en marge de la communauté chrétienne, aux jeunes en difficultés, ont été une constante de son ministère de prêtre, partageant son enthousiasme, sa joie de vivre, son accueil convivial, sa bonhomie généreuse, et ses conseils qu’il prodiguait volontiers sur l’air de :      « il en faut peu pour être heureux, vraiment très peu pour être heureux » (des paroles empruntées à un personnage de dessin animé que beaucoup reconnaîtrons – la ressemblance n’est pas fortuite : il l’incarnait à merveille, faisant la joie des plus jeunes, … mais aussi des plus grands).

Il aura pris durant ces dernières années à Gap, au nom de l’Église et avec une profonde compassion, sa part active et prépondérante dans l’accueil des personnes poussées sur la route de la migration.

Excessif en bien des domaines, le père Sébastien portait haut, (non seulement le chapeau), mais aussi les couleurs, et les convictions de l’Église…catholique… romaine… dans laquelle il avait engagé sa vie, agaçant souvent ses interlocuteurs, prenant plaisir à les provoquer, mais ne les laissant jamais insensibles de par la grande générosité de son cœur. L’exubérance de son caractère l’aura poussé à des œuvres missionnaires étonnantes : certains se souviendront de « la pesée du curé » – après celle du jambon…, de processions mariales traversant le marché, et autres agitations, tel un ventilateur brassant quelque fois beaucoup d’air (comme il aimait lui-même le reconnaître).

Son esprit entreprenant le conduira à insuffler de très beaux dynamismes au cœur de divers domaines ; le diocèse lui doit en très grosse partie la présence des sœurs de la Salette dans nos paroisses ; ses ultimes projets porteront sur la musique liturgique : il savait solliciter les talents pour les associer à ses perspectives. Il venait de lancer sa paroisse sur un chemin de renouvellement missionnaire, à l’instar des recommandations du pape François. Au-delà de la tragédie qui l’emporte, et nous ébranle tous si profondément, puissions-nous trouver dans cette heure qui nous rassemble, la Source, la Parole d’Espérance dont il s’est si souvent fait le « porte-voix » ; puissions-nous trouver réconfort et porter les plus meurtris d’entre nous ; puissions-nous implorer avec force la miséricorde du Seigneur, pour lui, pour chacun, tant nous mesurons la fragilité de nos vies humaines et reconnaissons le besoin d’être « délivré » de la mort.

Mot de remerciement de Michel Dubois, le père de l’Abbé Sébastien Dubois

Bonjour,

Je tiens à vous remercier du fond du cœur pour l’accueil que vous avez réservé à ma famille resserrée pendant ces derniers jours à Gap.

Nous avons été très touchés par votre participation dans la cathédrale, bondée, toute remplie de votre amitié fraternelle.

Je suis ému par les expressions du partage intense que vous avez vécu avec Sébastien, au fil des jours, selon les petits mots que vous avez laissés par écrit et qui me bouleversent.

Sachez aussi que j’ai eu un bon sourire avec Sébastien en constatant la pénurie au moment de la communion. Ceci dépassait toutes les prévisions ; pour la plus grande gloire de Dieu… et il a dû apprécier.

Enfin, je garderai aussi le souvenir des amis de Gap qui lui ont donné deux longues journées de car, pour l’accompagner jusqu’au terme de son dernier voyage en terre de Normandie.

Merci, et encore merci, en union de prière avec vous tous.