« Ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé »

Homélie de Mgr Xavier Malle en la cathédrale de Gap

« Ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé ». St Paul propose aux corinthiens, notre seconde lecture, de rendre grâce pour « ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé ». Je vais balbutier en cette journée mondiale des malades et de la santé, des paroles sur la maladie, la vieillesse et la mort, car l’actualité politique française m’y convoque. Je vous demande pardon si je ne trouve pas les bons mots.

Le pape François a lui trouvé les bons mots dans sa lettre pour cette journée, intitulée « Prends soin de lui », selon les paroles du bon samaritain à l’aubergiste quand il lui confie l’homme blessé par des bandits qu’il avait ramassé sur le chemin. « La maladie, dit le Pape, fait partie de notre expérience humaine. Mais elle peut devenir inhumaine si elle est vécue dans l’isolement et dans l’abandon, si elle n’est pas accompagnée de soins et de compassion. (…) Il existe, en effet, un lien profond entre cette parabole de Jésus et les nombreuses façons dont la fraternité est aujourd’hui niée. En particulier, le fait que la personne malmenée et volée soit abandonnée au bord de la route représente la condition où sont laissés trop de nos frères et sœurs au moment où ils ont le plus besoin d’aide. »

Mais de quelle aide s’agit-il ? Comment ne pas rendre grâce pour les innombrables visites aux malades que font les chrétiens. Hier je suis allé à l’Ehpad Bienheureux Jean Martin pour visiter le père Louis Barneaud. Une dame était là, une de ses anciennes paroissiennes des cordeliers. C’est admirable. Nous avons pu prier la vierge de Lourdes ensemble. Il m’a dit ‘je me rapproche du Ciel’, et effectivement il commence à avoir du mal à parler. Je vous confie le père Louis, le doyen des prêtres, 97 ans, à votre prière. Merci chers membres de la pastorale de la santé, à domicile ou en hôpital ou en Ehpad, merci chers soignants. Je vais avoir la joie de vous bénir spécialement à la fin de cette messe. Tenir la main, prier une dizaine de chapelet, porter la communion, célébrer l’onction des malades, et bien sûr apporter les soins nécessaires ; C’est grand et c’est tout ce dont les malades et spécialement les mourants ont besoin.

Ils n’ont pas besoin d’une aide active à mourir, l’euthanasie, ou le suicide assisté. Ils ont besoin d’une aide pour vivre le sommet de leur vie. Évitons d’ailleurs le terme de fin de vie ; pour un chrétien, c’est le sommet. Et du sommet, on contemple l’autre côté, le monde de Dieu. Voilà la sagesse des chrétiens.

Saint Paul distingue deux types de sagesse, celle de Dieu et celle du monde : « Frères, c’est bien de sagesse que nous parlons (…) mais ce n’est pas la sagesse de ce monde, la sagesse de ceux qui dirigent ce monde et qui vont à leur destruction. » Dans notre pays, « depuis quelques semaines, un débat sur la légalisation de l’euthanasie a démarré avec une consultation citoyenne dont le thème est défini ainsi : ‘Le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ?’ » (Michel Klein, article de présentation des conférences de Carême 2023) Ceux qui nous dirigent nous font croire que c’est une sagesse, car elle est auréolée d’une consultation citoyenne. Mais d’une part elle est confiée au Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) qui a perdu toute neutralité sur le sujet puisque sa position exprimée en 2018, est en faveur de l’euthanasie, allant jusqu’à la qualifier de « dernier soin ». Donner la mort n’est pas un soin. D’autre part la question posée montre par sa formulation qu’en réalité c’est une manipulation de l’opinion. Évidemment que la réponse sera non ; évidemment que le cadre actuel de l’accompagnement de la fin de vie ne pourra jamais être adapté à toutes les situations rencontrées. Vous verrez fleurir dans les semaines à venir des situations dramatiques, nous prouvant faussement que les lois actuelles ne suffisent plus, pour légitimer le suicide assisté et l’euthanasie. Je ne suis pas un grand prophète en prophétisant que la consultation citoyenne va répondre NON et donc proposera de légaliser l’euthanasie.

Je ne vais pas ce matin entrer dans le fond du débat ; je vous invite plutôt à travailler personnellement la lettre pastorale que les évêques de France nous vous avons envoyé sur le sujet, intitulée « Ô mort où et ta victoire ? ». Vous la trouvez sur le site internet diocésain et le diocèse en a fait imprimer. Et ensuite je vous invite à participer aux Conférences de Carême diocésaines qui se tiendront à partir du dimanche 26 février, chaque dimanche de carême, au sanctuaire ND du Laus sur le thème général suivant « De la mort à la vie ». L’ordre des mots est important : de la mort à la vie ! Pour ce sujet clé de la vie de chacun, nous nous placerons à la fois dans une vision terrestre et dans une perspective éternelle ; « ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé ». L’enjeu vaut vraiment que vous marquiez ces conférences dans vos priorités des dimanches de Carême. Si vous ne pouvez monter au Laus, elles seront retransmises en direct sur RCF Alpes-Provence et sur la chaine vidéo du sanctuaire, en direct et en différé.

La convention citoyenne sur la fin de la vie, je cite, « cherche un débat apaisé ». Dormez, on pense pour vous. Et bien pardon, vous n’allons pas nous laisser endormir ! C’est justement pour nous réveiller en nous formant que ces conférences sont organisées et sont exigeantes.

Juste un mot quand même de vocabulaire. Euthanasie, cela veut dire en grec : εὖ / eû, « bonne », θάνατος / thánatos, « mort ». Mais pour le chrétien, la bonne mort ce n’est pas se donner la mort, le suicide ou recevoir la mort d’un autre.  La bonne mort chrétienne c’est savoir que l’on va mourir, s’y préparer chrétiennement et mourir entouré de ceux qui nous aiment. Que ND du Bien mourir, et st Joseph, patron de la bonne mort, nous accorde à chacun une bonne mort chrétienne. Je reviens au mot euthanasie : comme il fait encore un peu peur, on le remplace pour adoucir la réalité par l’expression « fin de vie » dont j’ai déjà parlé. Dans l’évangile, en Matthieu chapitre 5, Jésus n’est pas venu adoucir le vocabulaire. Il n’est pas venu abolir la loi, mais l’accomplir : « il vous a été dit, et bien moi je vous dis ». Ainsi, il reprend l’interdiction de tuer : « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : « Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu’un commet un meurtre, il devra passer en jugement. Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement. »  Il parle du jugement de Dieu. Combien plus pour une euthanasie.

« Ce que nous proclamons, dit st Paul, c’est, comme dit l’Écriture : ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé. » De quoi s’agit-il ? Qu’est-ce que Dieu a préparé pour nous qui l’aimons ? La vie éternelle, la grande rencontre, la vision béatifique. Voir Dieu, se laisser aimer infiniment par Dieu. Ben Sirac le sage, notre première lecture, nous dit que cela dépend de nous : « Il dépend de ton choix de rester fidèle. Le Seigneur a mis devant toi l’eau et le feu : étends la main vers ce que tu préfères. La vie et la mort sont proposées aux hommes, l’une ou l’autre leur est donnée selon leur choix. »

Comme Chrétien, nous faisons le choix de la vie ; ou plus exactement le choix de la vie éternelle.  C’est un choix radical dit Jésus à la fin de notre évangile : « Que votre parole soit ‘oui’, si c’est ‘oui’, ‘non’, si c’est ‘non’. Ce qui est en plus vient du Mauvais. » Frères et sœurs, voulez-vous dire oui à la vie éternelle ? Voulez-vous connaître la joie du Ciel ?

Ce oui, c’est le oui de la Foi, oui, Amen, je crois en toi Seigneur. Mais nous l’éprouvons, ce oui est une épreuve, « une épreuve qui consiste à se livrer à la confiance ; à s’abandonner à plus grand que soi. » C’est le oui de Marie, prononcé d’une façon définitive à l’Annonciation : qu’il me soit fait selon votre parole. Ensuite toute la vie de Marie n’a été que oui. D’une manière paroxystique au Calvaire. Par ce oui, Marie « croit l’envers de ce qu’elle voit. Elle voit l’échec total ; elle croit la victoire totale. La victoire de l’amour. Jésus est mort non parce qu’on l’a tué ou parce que la mort lui est tombé dessus, mais parce qu’il donne sa vie par amour. » (F. Potez, La grave allégresse – être prêtre aujourd’hui, p. 166)

Dans son message à l’occasion du 11 février, fête de ND de Lourdes et journée mondiale des malades, le pape invite à tourner « notre regard vers le Sanctuaire de Lourdes comme vers une prophétie, une leçon confiée à l’Église au cœur de la modernité. Il n’y a pas que ce qui a de la valeur qui fonctionne et il n’y a pas que celui qui produit qui compte. Les personnes malades sont au centre du peuple de Dieu qui avance avec elles comme prophétie d’une humanité où chacun est précieux et où personne n’est à exclure. » Fin de citation. J’en profite pour vous inviter tous à expérimenter cela en participant au pèlerinage diocésain à Lourdes qui se tient début octobre.

Un ami prêtre témoigne qu’en ayant accompagné les derniers instants de son papa, il a mieux compris ces paroles de la prière mariale du ‘Je vous salue Marie’ : ‘maintenant et à l’heure de notre mort’. « J’ai compris, dit-il, que l’instant présent et l’heure de notre mort sont les deux moments les plus importants de la vie. » Amen ! (Xavier Bizard, Quand l’amour m’a saisi, p. 33)