Congrès national des directeurs de pèlerinages en Jordanie

Chers Frères,
Du 13 au 18 novembre 2023, à la demande de la Cour royale et du Ministère du Tourisme jordaniens, s’est tenu en Jordanie le 75ème Congrès de l’Association Nationale des Directeurs Diocésains de Pèlerinages (ANDDP). Il avait comme thème : « Cela s’est passé à Béthanie, au-delà du Jourdain » (Jn 1, 28). Je voulais vous en rendre compte.
Une participation nombreuse
Un groupe de 120 pèlerins, directeurs de pèlerinages, 30 prêtres et 10 diacres ont participé à ce Congrès. Ils ont été rejoints par un délégué de l’Œuvre d’Orient et par les responsables de la Maison d’Abraham de Jérusalem. Ils étaient accompagnés d’une douzaine de journalistes, également invités par le Ministère du Tourisme. J’étais avec eux comme évêque accompagnateur de l’ANDDP au sein du Conseil pour la liturgie et la pastorale sacramentelle. Ce congrès a été préparé pendant 3 ans.
Nous avions décidé de le maintenir malgré la guerre déclenchée par l’attaque terrible du Hamas le 7 octobre. Ce maintien a prêté à beaucoup de débats et de discernement au sein de l’ANDDP. Mais nous avons voulu montrer aux communautés chrétiennes de Jordanie (et plus largement à toute la communauté jordanienne) que, si nous étions heureux d’aller les visiter quand tout allait bien, nous voulions aussi leur signifier notre soutien dans les moments difficiles, dans un esprit de paix et de fraternité. Ce fut l’argument décisif du maintien du Congrès, avec le fait que nous avions toutes les garanties de sécurité de la part de l’Ambassade de France, du Ministère du Tourisme, de la Nonciature apostolique en Jordanie, et de l’OEuvre d’Orient. Cette décision fait d’oser venir même en temps de crise, a été saluée avec gratitude par nos hôtes.
Des lieux saints magnifiques
La Jordanie est une partie de la Terre Sainte. Elle est la terre de l’Ancien Testament et des débuts du Nouveau, de l’accomplissement des promesses de Dieu, avec entre autres le désert de l’Exode :
– le Mont Nébo, où meurt Moïse après avoir contemplé la Terre Promise ;
– le lieu de l’entrée en Terre Promise par le Peuple hébreu guidé par Josué ;
– le pays de la naissance, d’une partie de la vie et de l’assomption du prophète Elie ;
– le lieu de la prédication et du baptême donné par Jean Baptiste ;
– bien sûr, l’emplacement du baptême du Christ et l’appel des premiers disciples ;
– Machéronte, forteresse d’Hérode Antipas, et où fut décapité Saint Jean Baptiste ;
– Petra, ville commerciale qui aurait accueilli les mages et serait devenue rapidement chrétienne en transformant la plupart des tombes en églises ;
– la Décapole, où Jésus a prêché, avec en particulier Gadara où Jésus délivra deux possédés, et la ville magnifique de Jerash ;
– Anjara, où Jésus, sa mère Marie et ses disciples auraient séjourné dans une grotte, commémoré par un sanctuaire moderne, Notre Dame du Mont. Ce fut un des 5 lieux de pèlerinage pour l’an 2000 désignés par les églises catholiques du Moyen Orient, et reconnus par Rome, et où, en 2010, une statue de la Vierge a pleuré des larmes de sang ;
– Madaba, région qui avait été remise au fils ainé de Jacob et Léa, Ruben, et on y trouve la plus ancienne carte de Terre Sainte, en mosaïque (2nde partie du VIème siècle).
L’état jordanien a fourni des efforts considérables pour valoriser ces lieux. En particulier au Mont Nébo et au site du baptême du Christ, endroit magnifique, avec une belle église catholique latine, le plus grand lieu de culte construit à cet endroit. A terme, il sera possible d’y héberger des pèlerins. Des pistes de randonnées sont en cours d’élaboration pour pouvoir pèleriner à pied entre les lieux saints.
L’accueil des différentes communautés chrétiennes est remarquable. Je citerai entre autres les paroisses Saint Joseph, qui accueille et insère des réfugiés irakiens, ou Notre Dame de la Paix avec son centre pour handicapés mentaux, à Amman ; et encore celle de Notre Dame du Mont, qui accueille de nombreux enfants orphelins ou en situation de détresse.
Une ambiance de paix
Ce pays ne connaît pas l’ambiance de guerre et violence que l’on connaît en Israël. Et le fait que les lieux saints à visiter sont moins nombreux, permet de pèleriner plus calmement et avec plus de profondeur. Cela s’est ressenti particulièrement au moment du Congrès, alors que la guerre de Gaza avait débuté un mois plus tôt et déchire le Moyen-Orient. Tous nos interlocuteurs ont cherché à nous montrer comment ce pays est un havre de paix, même si cela reste fragile.
En nous invitant et en engageant des frais importants pour nous accueillir (ce qui fait que ce congrès n’a pas coûté plus cher aux diocèses qu’un congrès tenu en France), le gouvernement jordanien avait un objectif déclaré : nous inciter à organiser des pèlerinages complets en Jordanie, et non pas y venir deux jours avant de passer en Israël, comme la plupart des diocèses le font. Cela a un but économique, évidemment. Mais je pense que deux autres objectifs plus implicites animaient le roi Abdallah II, dont je rappelle que la mère était anglaise et originellement anglicane :
– Sans doute montrer un autre visage de l’Islam aux occidentaux, plus paisible et plus accueillant des autres religions ; c’est le contenu de ses nombreuses déclarations, en particulier son message interconfessionnel d’Amman en 2005, où il affirme vouloir « assurer la reconnaissance et l’acceptation entières et mutuelles, dans un esprit de bonne foi, des Musulmans, des Chrétiens et des Juifs ». Le jordanien n’est pas défini par sa religion.
– Et aussi favoriser le soutien aux communautés chrétiennes, certes très minoritaires (2,5% de la population), mais éléments certains d’équilibre et d’unité au sein de la société jordanienne, à cause de l’Evangile. Car les chrétiens ont pleinement leur place dans la population : ils sont représentés institutionnellement au Parlement par 9% des sièges ; ils détiennent 1 à 3 portefeuilles dans le gouvernement et des hauts postes dans l’armée, les services de renseignement, la magistrature, la Cour royale, les médias, l’enseignement et les autres niveaux de l’administration publique. Les églises chrétiennes ont leurs propres organes et leurs propres lois et gèrent leurs propres affaires. La Jordanie assure la promotion de leurs sites religieux.
Le Nonce apostolique en Jordanie, Mgr Giampietro Dal Toso, me l’a confirmé. Il a ajouté une autre motivation pour nous inciter à organiser des pèlerinages en ce pays : éviter un éloignement, voire une fracture entre les Eglises catholiques moyen-orientales et les Eglise catholiques occidentales, fracture qui pourrait venir des différences de cultures, de méfiances mutuelles et d’incompréhensions des situations, dans un climat international et civilisationnel tourmenté. Et dans le même temps, il affirme que la France a une place privilégiée dans le coeur des Jordaniens. L’Ambassadeur de France en Jordanie, Monsieur Alexis Le Cour Grandmaison, rejoint quelque peu cette analyse, en se plaçant du côté diplomatique et économique.
Un partenariat fructueux
Je dois rajouter que, tant du côté du Nonce apostolique que des personnalités jordaniennes rencontrées (y compris les représentants de l’Ambassade de Jordanie en France), il y a une certaine admiration pour notre organisation nationale des pèlerinages au sein de l’Eglise en France, avec l’ANDDP. Ils ne connaissent pas d’autres pays qui se soient structurés ainsi, permettant un vrai partenariat et un dialogue
plus facile. Cela permet aujourd’hui d’avoir des contacts personnels et amicaux avec des personnes-clefs pour nos pèlerinages dans ce pays.
C’est ainsi que le Président de l’ANDDP, le Père Jacky-Marie L’Hermitte (diocèse de Rouen), d’autres responsables de l’Association, des membres de la Commission Terre Sainte et moi-même, avons pu rencontrer plus spécialement :
– le cousin du Roi, son Altesse Royale le Prince Ghazi Bin Mohammed, chargé des Affaires religieuses et plus spécialement du site du Baptême du Christ ;
– le Ministre des Antiquités et du Tourisme de Jordanie, son Excellence Makram Mustafa Queisi ;
– le directeur général du Jordan Tourism Board, Monsieur Abed Al Razzaq Arabiyat ;
– le directeur du site du baptême de Jésus, M Rustom Mkhjian, arménien orthodoxe ;
– le Père Rifat Bader, directeur du centre catholique des médias et des études.
Ces différentes rencontres ont permis des avancées, par exemple les projets de formation de guides en langue française et en culture chrétienne, et de lien entre sanctuaires ; ou des facilités administratives et financières… Le Prince Ghazi a demandé au directeur du site du baptême (qui reste un lieu contrôlé par l’armée à cause de la proximité de la frontière avec Israël) que l’accès soit gratuit pour tout pèlerinage français accompagné d’un évêque.
L’excellent accueil jordanien, les contacts solides et sûrs que nous y avons, les lieux saints qui y sont présents, la terre chargée d’une longue histoire judéo-chrétienne font de la Jordanie une Terre Sainte qui est à privilégier autant qu’Israël pour l’organisation de pèlerinages. Je ne peux que vous inciter à en promouvoir, pour le bien des fidèles de vos diocèses, et même à y aller vous-mêmes. Vous y êtes attendus avec joie !
Soyez assurés de ma prière fraternelle.
+ Jean-Marie Le Vert
Evêque auxiliaire de Bordeaux
Evêque accompagnateur de l’ANDDP, au nom de la CEPLS

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