Une messe d’au revoir pour Soeur Marie-Gabriel

Sœur Marie-Gabriel (Née Mireille Chevillon en 1930), dernière religieuse de la Congrégation du Saint Coeur de Marie, est décédée le 23 janvier 2024.

La messe de funérailles fût célébrée lundi 29 janvier en l’église saint-André des Cordeliers à Gap par Mgr Xavier Malle, évêque du diocèse de Gap-Embrun.

Homélie : PDF à télécharger

Plusieurs hommage ont pu être rendus à Soeur Marie-Gabriel.

Voici le premier, par Elisabeth Meyer * :

Le temps est venu de vous dire au revoir.

Voilà presque deux cents ans que Mgr Arbaud a pris la décision de fonder dans notre diocèse une congrégation d’enseignement.

Chacune des religieuses qui se sont consacrées à cette mission a fait grandir l’instruction et l’éducation des enfants qui leur ont été confiés, avec une attention particulière aux fillettes  et aux jeunes filles qui ont pu ainsi accéder au savoir.

Vous toutes avez eu à cœur  de témoigner de votre foi , de faire connaître Jésus Christ et d’éveiller les consciences des enfants à l’Evangile.

Vous avez connu, Soeur Marie Gabrielle, l’accueil des petits qui entraient à l’école par le tourniquet puisque votre congrégation était cloîtrée et quelques gapençais  se souviennent encore de cet accueil que l’on qualifierait de nos jours « d’original ». Vos talents personnels, ma sœur, nous laissent le souvenir d’une artiste au coup de crayon précis et élégant, d’une passionnée de jardinage, jardin que vous soigniez avec application et passion. N’oublions  pas votre service en tant que cuisinière de la congrégation et là aussi votre talent en a régalé plus d’une.

Nous vous avons vu souffrir face à la disparition de vos sœurs et particulièrement lors  du départ de sœur Marie du Bon Pasteur.

Arrivées dans le grand âge les sœurs de votre congrégation ont su « passer la main »confier à la tutelle diocésaine l’école qui porte votre nom et que vous avez chérie.

L’enseignement catholique vous doit une profonde et sincère  reconnaissance.

Les sœurs du Saint Cœur, au gré des besoins de la société qu’elles ont traversée, ont su prendre grand soin des enfants des jeunes mais aussi des personnes âgées ou fragiles qui leur ont été confiées. Elles ont cherché en chacun et chacune cette part de Dieu qu’elles ont tant aimée et su faire grandir. Vous avez pris largement votre place dans toutes ces missions.

Nous tenons, Soeur Marie Gabrielle, dernière Soeur de votre congrégation,  à vous remercier profondément et sincèrement pour tous ces engagements.

Nous vous savons heureuse de retrouver vos sœurs et Celui qui a donné sens à votre mission et à votre vie.

Puissiez vous continuer à prendre soin des jeunes et de chacun de nous.

À Dieu Soeur Marie Gabrielle. Nous prions pour vous.

Elisabeth Meyer*

* Vice Présidente de l’OGEC du Saint Coeur de Marie, Directrice de l’école Saint Coeur de 1993 à 1996, Directrice de l’école Sainte Jeanne d’Arc de 1998 à 2006, Directrice diocésaine de 2006 à 2012.

Un dessin réalisé par sœur Marie-Gabriel

Un deuxième AU – REVOIR à Soeur Marie Gabriel par Béatrice Devos

Nous sommes aujourd’hui réunis auprès de vous Soeur Marie Gabriel, pour vous dire au revoir, vous dire merci, prier avec et pour vous.

Ce merci a une source, Dieu notre Père, Créateur du ciel et de la terre, et c’est à Lui que vous vous êtes donnée, en devenant religieuse de la Congrégation du Sr Coeur.

Jour après jour, jusqu’à ce 24 janvier 2024, vous avez appris à Le connaître, dans vos multiples activités, vos multiples rencontres, dans votre amour de la nature, l’entretien de votre petit jardin, vous émerveillant sans cesse de ce que la terre faisait naître, sans oublier votre amour pour les oiseaux, admirablement dessinés et coloriés durant vos loisirs.

Votre vie se remplissait de l’Amour de Dieu reçu dans les sacrements, amour que vous propagiez autour de vous par la prière, par le chapelet auprès de Marie et le service.

Votre vie a été traversée par diverses épreuves, le temps de guerre, le déclin de la Congrégation, le legs des bâtiments à l’Evêché de Gap, le départ de Mère Marie du Bon Pasteur, la maladie, ces dernières années.

A toutes ces étapes, nous découvrions la force intérieure qui vous habitait, la patience dans la souffrance et très souvent le silence.

Ce 24 janvier, vous êtes partie sans bruit, rejoindre le Père dans sa miséricorde et son Amour et, auprès du Père, vous rejoignez tous ceux et celles qui vous sont chers.

 Nous qui sommes encore sur le chemin terrestre, en union avec votre famille de Nyons, ainsi que des amies fidèles, nous renouvelons notre merci pour le chemin parcouru avec vous, nous intercédons pour vous auprès du Père et de votre côté, intercédez pour chacun de nous.

 Soeur Marie Gabriel A DIEU.

Sœur Marie-Gabriel (Née Mireille Chevillon) Dernière religieuse de la Congrégation du Saint Coeur de Marie
Sœur Marie-Gabriel (Née Mireille Chevillon). Dernière religieuse de la Congrégation du Saint Coeur de Marie

Brève histoire de la Congrégation du Saint-Coeur de Marie

La congrégation du Saint-Cœur de Marie fût créée à Gap en 1835 par Mgr Arbaud, qui fut à la tête du diocèse de 1823 à 1836.

C’est la première congrégation de religieuses fondée dans les Hautes-Alpes après la Révolution.

La congrégation prend d’abord le nom de Sacré-Cœur, le changeant rapidement pour celui de Saint-Cœur de Marie, les premières sœurs se consacrant au Cœur immaculé de Marie devant la Vierge du Laus.

La communauté du Saint-Coeur autour de Mère Marie Claire, 1894
La communauté du Saint-Coeur autour de Mère Marie Claire, 1894

La congrégation du Saint-Coeur de Marie est créée à Gap en 1835 par Mgr Arbaud, qui fut à la tête du diocèse de 1823 à 1836. C’est la première congrégation de religieuses fondée dans les Hautes-Alpes après la Révolution ; sa vocation était d’éduquer les jeunes filles de la bourgeoisie.

En 1833, Mgr Arbaud rachète l’ancien couvent des Cordeliers. Il y installe Mlles Marie-Camille Méry et Désirée Moynier, qui sont ainsi à l’origine de la congrégation qui prend d’abord le nom de Sacré-Coeur, le changeant rapidement et définitivement pour celui de Saint-Coeur. Le recrutement de cette congrégation fut essentiellement régional. Une famille y est plus particulièrement représentée : la famille Moynier dont cinq filles entrèrent au Saint-Coeur de 1835 à 1859.

Les premières années sont difficiles, avec notamment la mort du fondateur en 1836 et un faible recrutement. A partir des années 1850 jusqu’à la fin du XIXe siècle, la congrégation s’épanouit, menée par des mères supérieures charismatiques (notamment Mère Marie du Coeur et Mère Marie Claire). Les effectifs de l’école comme du couvent sont importants ; le nombre d’élèves, à la fin du XIXe siècle, dépassant la centaine, et le nombre de religieuses s’élevant jusqu’à 70. La congrégation se dote d’un patrimoine foncier conséquent et peut ainsi fonder deux filiales : à Beaune (Côte d’Or) en 1857 et Entrevaux (Alpes de Haute-Provence) en 1881.

L’époque de prospérité du Saint-Coeur s’achève avec les lois sur l’enseignement congréganiste. En 1905, la congrégation se disperse. Craignant les persécutions, une trentaine de soeurs se sécularisent dont un tiers environ revenant plus tard au Saint-Coeur. Les pensionnats des trois maisons doivent partir en exil : le Saint-Coeur de Gap part à Suse (Italie), celui de Beaune à Warcoing (Belgique) et celui d’Entrevaux à San Remo (Italie). Cependant, la maison de Gap n’est pas abandonnée puisque qu’une petite dizaine de sœurs y demeure.

Durant la période de la Grande Guerre des soldats occupent les bâtiments et l’observance de la règle en pâtit. En 1909, la communauté d’Entrevaux se détache de la maison d’origine et se déclare indépendante. Cependant, en 1913, la communauté qui était exilée à San Remo est réunie à la maison-mère de Gap pour reconstituer une communauté plus nombreuse. A celle-ci viennent s’ajouter, fin 1918, les religieuses de Warcoing chassées par l’occupation allemande de la Belgique. Pendant l’exil à Suse, le pensionnat est florissant, sauf durant les années de guerre où les élèves se font rares. Les soeurs accueillent alors bon nombre d’élèves italiennes et même trois petits garçons. Le retour en France, en septembre 1920, marque aussi la fin du pensionnat. En effet, si la situation de l’après-guerre permet le retour d’un certain nombre de congrégations exilées, l’enseignement par des religieux n’en est pas pour autant permis, à moins de se séculariser. Refusant cette solution, les religieuses du Saint-Coeur abandonnent l’enseignement.

Dans l’entre-deux-guerres, les difficultés financières s’accumulent car, privés des ressources de l’école, les revenus de la communauté ne suffisent pas à réaliser les travaux indispensables aux réparations des bâtiments. L’union et l’esprit religieux de la congrégation ont aussi été fragilisés par la dispersion et la période de guerre. En 1939, l’adoption de nouvelles constitutions marque un effort de reprise en main de la congrégation. Mais celles-ci ne sont pas acceptées par la maison de Beaune qui fait sécession et décide de rejoindre la congrégation de la Doctrine chrétienne de Nancy. Lors de la Seconde Guerre mondiale, à nouveau, le couvent du Saint-Coeur sert de caserne aux armées d’occupation italienne et allemande, puis à l’armée française.

Des années 1950 à la fin des années 1960, les sœurs retrouvent pour un temps leur vocation enseignante auprès des élèves de l’école du Saint-Coeur, voisine du couvent. Pour se fortifier et retrouver un certain dynamisme, elles essaient de s’affilier à une autre congrégation de même charisme.

Mais, en 1953, après plusieurs années d’attente et de nombreuses tentatives, ce projet échoue. Dans les années qui suivent, le Saint-Coeur devient un foyer de personnes âgées et d’étudiantes. La dernière supérieure de la congrégation du Saint-Coeur de Marie, Mère Marie du Bon Pasteur, meurt en janvier 2006.