« Nous revivons le récit des disciples d’Emmaüs »

Chaque dimanche nous revivons le récit des disciples d’Emmaüs – homélie à l’abbaye de Rosans le 23 avril 2023

3ème dimanche de Pâques à 11h00 à l’Abbaye Notre-Dame de Miséricorde de Rosans – homélie Mgr Xavier Malle

« Le même jour (c’est-à-dire le premier jour de la semaine), deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs. » Depuis ce 1er jour, le jour de la Résurrection, chaque dimanche les chrétiens célèbrent l’Eucharistie, mémorial de la mort et de la Résurrection du Seigneur. On pourrait dire que chaque dimanche est Pâques, que chaque dimanche nous fait revenir au temps pascal. Selon un historien de la liturgie, « ce n’est qu’au 2ème siècle qu’on a pensé à célébrer une fête annuelle de Pâques ; la Pentecôte apparaissant vers la fin du 2ème siècle et l’Ascension dans le dernier quart du 4ème siècle ; nous donnant ainsi une chronologie de ces fêtes conformes à l’évangile de Luc » (Philippe Beitia, Prêtre Diocésain avril 2023). « Ce qui a été primordial, çà a été d’abord la célébration du Seigneur le jour du Seigneur. » Donc après le rythme hebdomadaire, le rythme annuel du cycle liturgique est venu en surimpression, magnifique pédagogie liturgique de notre vie chrétienne.

Ainsi chaque année au temps pascal nous relisons cet évangile des disciples d’Emmaüs. Mais c’est bien tous les dimanches que nous le revivons, et ici à l’abbaye quotidiennement ! Ce récit « des disciples d’Emmaüs fait comprendre aux générations chrétiennes qui n’ont pas connu le Seigneur de son vivant, ni bénéficié de ses apparitions pascales, que le Seigneur se fait réellement présent au cœur de la Communauté par sa Parole, son offrande sacrificielle poursuivie dans la gloire, et le pain eucharistique par lequel il nourrit son peuple. » On peut imaginer la joie de la première communauté chrétienne célébrant l’eucharistie du dimanche ; c’est aussi la nôtre ce matin. Alors même que peut-être nos yeux à nous aussi « étaient empêchés de le reconnaître », en raison de telle ou telle souffrance, tel ou tel questionnement. « Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux… Il fit semblant d’aller plus loin. » C’est l’extrême délicatesse de Dieu. Il s’approche et marche à notre pas, fait mine de partir. Il a la délicatesse et l’innocence de l’agneau, dont parle Pierre dans sa lettre : « vous avez été sauvé … par un sang précieux, celui d’un agneau sans défaut et sans tache, le Christ. » Cette semaine, j’ai inauguré en quelque sorte ma visite pastorale dans la paroisse de Laragne, par une journée à Orpierre. J’ai rencontré une famille d’arboriculteurs-éleveurs. Devant des agneaux sous leurs mères, ils m’ont expliqué le symbole de l’agneau : quand on l’égorge, il ne crie pas. Alors que le chevreau hurle véritablement.

Laissons Jésus s’approcher, et comme les disciples d’Emmaüs, partageons-lui ce qui est lourd à notre cœur, ce qui nous rend triste. Invitons-le à partager notre vie. Et reconnaissons sa présence dans la fraction du pain.  « Ils se dirent l’un à l’autre : Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? »

Alors avec les autres apôtres, ils proclameront « Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. » Et cette nouvelle incroyable convertira tout le monde méditerranéen en quelques dizaines d’années.

Oui, c’est cette expérience de la rencontre avec le Christ ressuscité qui nous invite nous aussi à la mission. Le Pape dans sa lettre sur ‘la Joie de l’Évangile’, demande que « personne ne renonce à son engagement pour l’évangélisation s’il a vraiment fait l’expérience de l’amour de Dieu qui le sauve. Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ. » Regardez saint Pierre, les deux premières lectures nous rapportent son témoignage, il ne cesse de proclamer le kérygme, au seuil de son ministère apostolique le jour de la Pentecôte, et au terme de sa vie, dans la lettre qu’il écrivit de Rome pour confirmer la foi et l’espérance des chrétiens. Dans les Actes des Apôtres : « Il n’a pas été abandonné à la mort, et sa chair n’a pas vu la corruption. Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité ; nous tous, nous en sommes témoins. » Et dans sa lettre depuis Rome : « C’est bien par lui que vous croyez en Dieu, qui l’a ressuscité d’entre les morts et qui lui a donné la gloire ; ainsi vous mettez votre foi et votre espérance en Dieu. »

Chères sœurs contemplatives, vous n’êtes pas à l’arrière garde, mais vous êtes à l’avant-poste de ce que nous avons appelé dans le diocèse la « mission altitude », par votre prière liturgique, par votre accueil à l’abbaye, et par votre travail. Vous participez à cette mission altitude résumée dans la phrase de la vision pastorale diocésaine :

Les yeux levés vers la splendeur de tes sommets,

depuis tes diverses vallées,

Église dans les Hautes-Alpes,

ouvre de nouvelles voies,

accueille et accompagne,

avec la tendresse de Marie :

annonce Jésus Christ !

Amen !