La paix souffre violence – homélie 11 nov 2023 à GAP

Samedi 11 novembre 2023 – Messe pour la paix – 9h30 Gap

« La paix souffre violence. » C’est ainsi que commençait un appel à la paix lancé par Mgr Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des Evêques de France, il y a quelques jours en conclusion de l’Assemblée d’automne des évêques de France à Lourdes.

« La paix souffre violence. » C’est le sentiment que nous portons ce matin dans cette cathédrale alors que nous célébrons le 11 novembre 1918, qui marque la fin de la première guerre mondiale. 

Toutefois il me semble que petit à petit depuis 1918, ce jour de victoire se transforme en jour de mémoire.

Mémoire de tant de souffrances endurées par ces deux peuples et tant d’autres entre 1914 et 1918 sur notre continent, à partir de la haine entre les français et les allemands.

Mémoire surtout de la réconciliation franco-allemande : « La paix vient de la réconciliation de ceux qui pourraient se haïr ; de ceux et celles qui auraient des raisons de se méfier les uns des autres. Nous le disons avec humilité, et aussi avec force, comme Français qui avons éprouvé la haine puis la réconciliation avec les Allemands », poursuivait le président de la CEF. Puisse cette Réconciliation franco-allemande donner de l’espérance à tous les peuples en guerre et, pour reprendre Isaïe notre première lecture, « consoler tous ceux qui sont en deuil, (…) mettre le diadème sur leur tête au lieu de la cendre, l’huile de joie au lieu du deuil, un habit de fête au lieu d’un esprit abattu. »

Alors comme chrétiens, en ce 11 novembre, nous osons prier pour la Réconciliation entre les Ukrainiens et les Russes ; les Arméniens et les Azéris ; les Juifs et les Palestiniens ; pour bien des peuples d’Afrique et d’ailleurs, soumis à des faits de guerre ou de terrorisme.

Mais cette espérance se fait dans la souffrance avec ces peuples.

Mgr de Moulins Beaufort poursuivait à propos du peuple juif : « L’amitié avec le peuple juif, peuple mis à part par Dieu, est le secret de la destinée totale de l’humanité. Nous souffrons de voir remise en cause la légitimité de l’existence d’Israël ; nous souffrons des actes terroristes du Hamas ; nous souffrons avec les otages et leurs familles. Nous avons reçu avec émotion les remerciements de certaines d’entre elles, après que nous nous soyons associés à un geste demandé aux familles juives par le Grand Rabbin, pour exprimer l’attente du retour des otages. » En effet dimanche dernier, à Lourdes, à nos tables, une place était vide, attendant le retour des otages, une lettre posée sur l’assiette, écrite par Mgr Rafic Nahra, évêque auxiliaire de Jérusalem. Il partageait combien il était difficile de prendre la parole dans cette guerre brutale qui oppose Israël et le Hamas, faisant de nombreuses victimes civiles. Si nous évoquons les victimes israéliennes, les Palestiniens se sentent offensés, et si nous évoquons les victimes palestiniennes, les Israéliens se sentent offensés, alors il est mieux de poser des gestes symboliques, sans paroles. C’est d’ailleurs ce que nous ferons du 19 au 25 novembre en illuminant cette cathédrale en rouge, à l’initiative de l’Aide à l’Eglise en Détresse, pour les chrétiens victimes de persécutions en raison de leur foi, symbole que nous élargirons à toutes les victimes des guerres. Mgr de Moulins-Beaufort poursuivait : « nous souffrons pour les Juifs, nos pères dans la foi, menacés par une inquiétante vague d’antisémitisme. »

Je voudrai à cet égard signaler la publication d’un livre par la conférence épiscopale intitulé « Déconstruire l’antijudaïsme chrétien ».

Car on peut encore entendre des clichés véhiculés durant des siècles qui ont pu nourrir des sentiments hostiles et méprisants envers les juifs, ce que l’on appelle l’antijudaïsme chrétien : « Le Dieu de l’Ancien Testament est violent, alors que celui du Nouveau Testament est amour », « l’Alliance nouvelle a remplacé l’ancienne, les juifs sont déicides » Depuis plus d’un demi-siècle, de la déclaration du Concile Vatican II intitulée ‘Nostra Aetate’ de 1965 jusqu’à la déclaration des évêques de France de 2021, l’Église redit avec détermination que le lien qui la relie spirituellement à la lignée d’Abraham est unique, que les juifs sont « nos frères bien-aimés » et qu’il est urgent de combattre les clichés et les malentendus qui abîment cette fraternité. Vous avez compris que si dimanche après la confirmation que je vais célébrer à Veynes, il y avait une marche à Gap j’y aurai participé.

« Nous appelons aussi, dit encore Mgr de Moulin-Beaufort, tous nos concitoyens, en France, à ne pas céder à la logique simpliste de l’affrontement entre communautés religieuses ; et nous nous élevons contre les attitudes racistes, antisémites et anti-musulmanes qu’une telle logique induirait. »

Nous souffrons avec les Israéliens, mais « nous souffrons aussi pour les Palestiniens, nos frères et nos sœurs dans l’humanité et, pour certains aussi, dans la foi ; eux qui sont fiers souvent de se présenter en descendants des premiers chrétiens, des frères et sœurs de Jésus ; nous portons dans notre supplication les morts, les blessés, les mutilés, les familles meurtries, les enfants dont la vie est brisée, traumatisée une fois de plus. Nous appelons à la justice pour le peuple palestinien qui a droit à un État libre, maître de lui-même, et dont l’humanité entière a besoin. (…) Nous souffrons pour l’humanité divisée, fracturée, par des conflits dont plusieurs sont dus à l’avidité de quelques-uns pour le pouvoir. (…) Aujourd’hui le chemin en passe par le respect du droit international et par la négociation.

Comment rattacher cette messe pour la paix à la fête de st Martin qui est le 11 novembre,

st Martin le soldat, st Martin l’apôtre de la charité aux portes d’Amiens. L’évangile est le fameux chapitre 25 de l’évangile selon st Matthieu. Il nous implique. Qu’avons nous fait pour la paix ? Semons-nous des graines de paix autour de nous ? Est-ce qu’à la fin de notre vie le Seigneur nous dira : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !”

Lors des Rencontres Méditerranéennes à Marseille, conclue par la messe au Vélodrome avec le Pape, nous avons semé des graines de paix. Le plus important a été la rencontre de 70 évêques, dont j’étais, et de 70 jeunes des 5 rives de la Méditerranée. Ces jeunes étaient de tous les pays et de toutes les religions. Cette rencontre m’a laissée dans une grande joie et une grande espérance. “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.” Amen.