20240128 Je mettrai dans sa bouche mes paroles – homélie Veynes Retraite préjubilaire sur le Notre-Père

Dimanche 28 janvier 2024 – TO4 – Veynes – retraite préjubilaire

Moïse accomplit déjà ce qu’il annonce, puisqu’il dit au peuple tout ce que le Seigneur lui dit de dire.

Moïse préfigure le prophète par excellence, Jésus, dont st Jean dit qu’il est le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu. L’évangile nous rapporte d’ailleurs l’étonnement de ceux qui assistent à son enseignement dans la synagogue. Nous sommes au début de la vie publique de Jésus, il entre dans la synagogue le jour du sabbat et commence à enseigner : « On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes. »

Il y a comme une double autorité :

D’une part son autorité ne lui venait pas de l’Ecriture, de la Tradition, mais de lui-même. Dans le Sermon sur la montagne, il reprendra comme un refrain : vous avez appris qu’il a été dit, et bien moi, je vous dis.

D’autre part, Jésus manifeste ce qu’il dit par ses actes, et ici par l’exorcisme ‘un homme tourmenté par un esprit impur :  « « Tais-toi ! Sors de cet homme. » « Qu’est-ce que cela veut dire ?Voilà un enseignement nouveau, donné avec autorité ! Il commande même aux esprits impurs, et ils lui obéissent. »

Alors quand on comprends que les paroles du Notre-Père ont été prononcées par Jésus lui-même, on se dit qu’on ne peut les réciter machinalement.

On comprends aussi pourquoi cette prière a une place éminente dans la liturgie de l’Eglise. 

Le témoignage le plus ancien d’un usage liturgique régulier du Notre-Père date de Pâques 350 (Selon J. Jeremias, Paroles de Jésus, le sermon sur la montagne, le Notre-Père, 51-54.), au 4ème siècle, quand un prêtre de Jérusalem, Cyrille de Jérusalem, qui allait recevoir la consécration épiscopale l’année suivante donna dans l’église du Saint Sépulcre 24 catéchèses, la moitié pré-baptismale et l’autre après le baptême, après le Baptême. Dans la dernière, Cyrille explique aux nouveaux baptisés la Liturgie de l’Eucharistie et plus spécialement les prières qui y étaient dites, dont le Notre-Père. On le récitait juste avant la communion. Il était déjà situé dans la partie de l’Eucharistie réservée aux seuls baptisés, la Missa fidelium ; le Pater était donc appelé la « Prière des Fidèles ». Il était enseigné aux catéchumènes soit avant le baptême (mais ils ne pouvaient le dire avec tout le monde qu’à partir de leur baptême), soit quelques jours après, comme chez Cyrille. 

Dans un texte encore plus ancien, la ‘Didache’, du 1er siècle. Il s’agit d’une instruction des Apôtres. Le Notre-Père y est cité textuellement (chapitre 8), introduit par la formule : « Ne priez pas comme les hypocrites, priez comme le Seigneur dans son Evangile vous l’a demandé. On voit que dans l’église ancienne, le Notre-Père était réservé aux seuls baptisés. Si dans nos habitudes il va de soi que le Notre-Père appartient à tous, dans l’Eglise des 1ers temps, il comptait parmi les trésors les plus sacrés, réservés à ses membres baptisés, incommunicable au dehors. C’était un privilège de pouvoir dire le Notre-Père. Les introductions conservées dans toutes les liturgies le montrent. Ainsi, la Liturgie dite de saint Jean Chrysostome fait dire au prêtre : « Daigne nous accorder, Seigneur, d’oser avec joie et sans témérité t’invoquer comme Père, toi le dieu du ciel, et dire : Notre-Père… » En Occident, la messe s’exprime semblablement : « Nous osons dire… ».

Comme je le disais dans le premier enseignement de ce matin, le NP est la prière type de toute prière, et donc aussi du sacrement de l’Eucharistie.

Mrg J. Perrier, évêque émérite de Tarbes-Lourdes, dans un petit livre intitulé ‘Aimer la Messe’ (98-99) a un chapitre intitulé : « Le Notre-Père compris par la Messe » Ainsi :

– Notre-Père : toute l’Eucharistie nous tourne vers Dieu notre Père.

– qui es aux cieux : pensons au début du Gloria ou du Sanctus

– que ton nom soit sanctifié : pensons à l’acclamation « Saint, saint saint le Seigneur »

– que ton règne vienne : à la suite de l’acclamation « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. » Celui qui vient, c’est le Messie. Il vient établir le Règne de Dieu.

– que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel : pensons au Christ qui dans toute sa vie terrestre et jusqu’à la mort, n’a jamais agi autrement. Par l’Eucharistie, il nous communique l’élan de son amour.

– donne nous aujourd’hui notre pain de ce jour : pensons à tous les moments de la Messe où nous avons priés pour les besoins de l’Eglise et du monde.

– Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés : dans un instant, nous allons échanger la paix du Christ.

– et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre nous du mal : si nous sommes en communion avec le Christ, nous sommes certains de ne pas nous laisser entraîner par le mal.

Toute la question est là : être en communion avec le Christ et par le Christ, avec le Père. « Le NP étant une prière de Jésus, c’est une prière trinitaire » (J Ratzinger p. 158), être tout au Père, par le Fils et dans l’Esprit. C’est ce que veut faire comprendre st Paul dans la seconde lecture, invitant à ne se préoccuper que des affaires du Seigneur : « La femme sans mari, ou celle qui reste vierge, a le souci des affaires du Seigneur ». Bien  sûr cette situation relève d’une vocation particulière comme la vie religieuse. A ce propos et pour terminer, je voudrais confier à votre prière le repos de l’âme de Soeur Marie-Gabrielle, la dernière soeur des religieuses du Saint Coeur de Marie, le couvent qu’elles ont donné au diocèse à Gap, devenu notre maison diocésaine. Je vais célébrer sa sépulture demain matin aux Cordeliers à 10h.

Qu’elle contemple le Père, celui dont elle a prononcé si souvent le nom. Amen.