Procurons l’huile de joie ! Homélie Messe Chrismale

Mardi Saint 26 mars 2024 – Messe Chrismale à Embrun

 

Découvrir le message de Pâques de notre évêques (cliquer)

« Le Seigneur m’a consacré par l’onction, il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur et leur donner l’huile de joie au lieu du deuil, un habit de fête au lieu d’un esprit abattu. » Donner l’huile de joie !

Quelle belle mission reçoit le prophète Isaïe !

Quelle belle mission pour tous les consacrés par l’onction, c’est à dire nous tous, consacré par le Saint Chrême à l’occasion de notre baptême et de notre Confirmation ! Quelle belle mission pour ceux qui ont reçu un appel particulier à transmettre la miséricorde de Dieu, vous chers frères diacres, par la prière de consécration diaconale ; vous chers frères prêtres dont les mains ont également été consacrées par le Saint Chrême lors de votre ordination sacerdotale.

Cette huile de joie me fait penser surtout à l’huile des malades, cette huile qui apaise.

De nombreuses fois j’ai pu contempler la joie revenir sur le visage des malades à qui j’avais fait cette onction des malades. Même si Dieu ne les a pas tous guérit, tous ont trouvé la paix intérieure et la joie. Reprenant Isaie, je me suis demandé qui sont ces cœurs brisés, ces prisonniers. Ce doit être les habitants de Jérusalem et le peuple juif tout entier. Mais en cherchant un peu je découvre qu’à la période où Isaïe leur parle, justement, les habitants de Jérusalem ne sont plus prisonniers : au contraire, ils sont revenus de l’Exil à Babylone, libéré par Cyrus, roi de Perse, et ont même entrepris de restaurer le Temple de Jérusalem. Mais« ces exilés rentrés au pays sont affreusement déçus du retour : là-bas, à Babylone, ils attendaient leur libération comme un grand bonheur… En fait, ils découvrent qu’il existe dans nos vies d’autres prisons, d’autres chaînes, moins matérielles, mais tout aussi oppressantes. Car au pays, on ne les attendait pas vraiment. Et on leur a mis tous les bâtons possibles dans les roues pour les empêcher de reconstruire le Temple. Il faut dire qu’en leur absence, d’autres populations déplacées ont été installées à Jérusalem, et y ont introduit leur propre religion ; désormais, la religion juive est en minorité. » (Commentaire de MN Thabut) Ils ont un esprit abattu.

Il est facile de transposer cet esprit abattu à notre époque,

alors que nos contemporains ont apostasié en grande partie.

Nous pouvons aussi être abattus par la future loi concernant l’euthanasie et le suicide assisté. En raison des annonces officielles précises faites récemment il nous faut en Église prendre clairement la parole. Nous l’avons fait lors de la conférence des Évêques à Lourdes il y a quelques jours avec un texte intitulé « Ne dévoyons pas la fraternité ! » Je le fais dans un message pascal intitulé « Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! » Je vous invite à découvrir ces deux textes sur le site internet du diocèse.

Nous pouvons être abattus par la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, et par l’attentat de Moscou. 

Le Sanctuaire ND du Laus et le Diocèse vont proposer une neuvaine de prière pour la paix sur le continent européen entre le 1er mai, fête de ND du Laus, et le 9 mai, journée de l’Europe, en passant par le 8 mai, la fin de la seconde guerre mondiale, et le 5 mai, la journée de prière pour les Chrétiens d’Orient.

Nous pouvons aussi être abattu par l’impossibilité de la communauté internationale à faire vivre dans la concorde deux peuples sur la terre de Jésus, à faire cesser l’inhumaine punition collective des Palestiniens de Gaza par les Israéliens suite aux terribles attentats du 7 octobre dernier.

On peut continuer longtemps la liste des raisons d’être abattus. Une morosité, presque une dépression, peut atteindre chacun d’entre nous, fidèles laïcs, religieux, religieuses, diacres et prêtres. Car si la mission en Eglise dans notre société  post-chrétienne est déjà difficile, le contexte international est terrifiant.

Alors peut renaître l’éternelle question des époques difficiles : Dieu n’aurait-il pas abandonné son peuple ? 

La réponse d’Isaïe est percutante : Dieu ne peut pas se renier lui-même ; gardez confiance, vous êtes encore et toujours le peuple élu par Dieu pour une mission bien particulière, répandre l’huile de joie. Vous tous, quelle que soit votre vocation particulière et avec des moyens différents, dans ce que le synode actuel a appelé une « responsabilité différenciée ». 

Oui, cette « mission altitude » qui nous réunis désormais chrétiens des Hautes-Alpes, c’est répandre l’huile de joie, qui n’est autre que l’huile du salut. Ou selon le sous-titre de la lettre pastorale : ‘Montagnes, portez au peuple la paix’, une citation du psaume 71. Les 6 orientations missionnaires diocésaines et les plans missionnaires paroissiaux que vous êtes en train de discerner dans vos paroisses ne sont que l’expression locale de cette mission magnifique : ‘porter au peuple la paix’, ‘répandre l’huile de joie’. Comment pouvons nous le faire dans notre vallée ? Telle est la question assez simple à poser, mais je sais que la réponse est plus difficile. Puisqu’on ne peut pas tout faire en même temps, posons-nous la question : quelles sont les priorités qu’on se donne pour les prochaines années dans notre paroisse ? Le 16 novembre prochain, dans un nouveau rassemblement diocésain au Sanctuaire ND du Laus, je promulguerai vos projets missionnaires paroissiaux et je vous enverrai en mission, cette mission si bien rappelée par Isaïe.

Pour cette mission de donner l’huile de joie, il nous faut trouver la juste attitude chrétienne, qui me semble une triple attitude temporelle :

1/ Pour le passé, rendons grâce : car tout est grâce.

Certes, l’avenir appartient à Dieu. Mais aussi le passé. Car de tout mal, il peut faire un bien.

Regardez l’incendie de ND de Paris ! ND de Paris sera comme ressuscitée et la première messe se tiendra en présence de tous les évêques de France le dimanche 8 décembre prochain. Le passé est aussi un socle pour bâtir l’avenir, comme en témoigne cette cathédrale ND du Réal, en cours de restauration, – merci à la municipalité pour son action magnifique -. Action de grâce ! 

2/ Pour le présent, gardons confiance.

Le pape François a écrit une petite lettre merveilleuse sur Ste Thérèse de l’Enfant Jésus, intitulée ‘C’est la confiance’, reprenant une de ses paroles : « C’est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l’Amour » Thérèse de Lisieux peu avant sa mort dira : « Nous qui courrons dans la voie de l’Amour, je trouve que nous ne devons pas penser à ce qui peut nous arriver de douloureux dans l’avenir, car alors c’est manquer de confiance ». Et le pape François commente ainsi : « Si nous sommes entre les mains d’un Père qui nous aime sans limites, cela sera vrai en toutes circonstances, nous nous en sortirons quoi qu’il arrive et, d’une manière ou d’une autre, son plan d’amour et de plénitude se réalisera dans notre vie. » Confiance !

Ce qui nous donne une grande confiance cette année, c’est de voir comment Dieu fait signe aux catéchumènes ; comment ils sont devenus chrétiens. L’Eglise connaît un boom sans précédent des demandes de baptêmes et de confirmations pour les recommençants, même dans notre diocèse rural. Cela nous donne une grande confiance pour le présent, car on sent déjà un frémissement dans certaines de nos paroisses. Si le Seigneur nous donne 20 catéchumènes et recommençants par an dans le diocèse, nous en sommes à 11 catéchumènes qui seront baptisés la nuit de Pâques, pendant 10 ans ; ces 200 nouveaux convertis vont booster la mission dans les Hautes-Alpes ! Confiance !

3/ Pour le futur, espérons. 

C’est le thème de l’année jubilaire 2025 est « pèlerins de l’Espérance » ! 

Isaïe annonçait une année de bienfait pour le Seigneur. Il fait allusion à la tradition des jubilés en Israël. On lit dans le livre du Lévitique 24, 10 « Vous ferez de la cinquantième année une année sainte, et vous proclamerez la libération pour tous les habitants du pays. » Les terres mises en gage sont rendues à leur propriétaire, les dettes sont remises, les esclaves libérés. Pendant l’année sainte il s’agissait d’exprimer en acte et en parole l’œuvre de grâce que le Seigneur accompli pour apporter le salut à son peuple : remettre la dette de son péché, apporter la libération de ses esclavage, lui redonner la joie de louer son Seigneur. Le Pape Boniface VIII a promulgué le premier jubilé chrétien en l’an 1300 pour célébrer l’anniversaire de l’Incarnation. Depuis lors, tous les 25 ans, s’ouvre une année sainte à Rome et dans les diocèses.

Pour nous préparer au grand jubilé 2025, le pape François a proposé que 2024 soit une année de la prière, consacrée à la « redécouverte de la grande valeur et de l’absolue nécessité de la prière » (Pape François) dans notre vie personnelle et dans notre vie paroissiale. Saint Jean-Paul II à la fin du grand jubilé de l’an 2000 souhaitait « un christianisme qui se distingue avant tout dans l’art de la prière ». Chez un artiste, il y a de l’inné, un don de Dieu, mais surtout beaucoup de travail. Comme les apôtres, demandons à Jésus : « apprends-nous à prier ».

Le pape François a aussi une belle expression ; il nous « invite à une grande ‘symphonie’ de prière ». Dans un orchestre symphonique, chacun joue sa partie propre, et tous ensemble le morceau est magnifique. C’est une belle image de notre Eglise diocésaine. Ensemble, procurons l’huile de joie à nos contemporains. Amen !