Jeudi Saint 14 avril – Messe de la Cène du Seigneur – 19h00 Cathédrale de Gap
« Avant la fête de la Pâque,sachant que l’heure était venue pour luide passer de ce monde à son Père,Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde,les aima jusqu’au bout. »
Cette magnifique formule de saint Jean nous donne le sens de notre fête du Jeudi Saint. Ce sera ma première partie, puis dans une seconde partie, nous verrons comment lui rendre cet amour.
« Avant la fête de la Pâque »
La dernière Cène s’est déroulée pendant la Pâques hébraïque. Nous lisons en première lecture le récit du dernier repas des hébreux, encore esclaves en Egypte, avant le passage – ce que signifie le mot Pâques-, le passage de la mer rouge et l’arrivée en Terre Promise. Cette messe de la Cène du Seigneur, nous permet d’en faire mémoire, ainsi que du dernier repas de Jésus avant son passage par la mort sanglante sur la Croix vers sa Résurrection. Ce lien entre l’Eucharistie et le repas de la Pâques juive, la nouvelle traduction du Missel l’exprime : « Voici l’agneau de Dieu, voici celui qui enlève les péchés du monde. Heureux les invités au repas des noces de l’agneau. »
« Sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père »
Jésus sait que c’est l’heure de son passage et de son dernier repas. Par l’offrande du pain et du vin qui deviennent son corps et son sang, il donne toute sa vie en anticipation du calvaire du lendemain. C’est le récit de l’institution de l’Eucharistie et du sacerdoce chrétien, la seconde lecture tirée de la première lettre de st Paul aux Corinthiens. « Ceci est mon corps, qui est pour vous. » « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. » « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, commente saint Paul, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne. » Chaque jour que Dieu fait, nous célébrons la Messe : « Faites cela en mémoire de moi. » Frères et soeurs, ce que nous vivons à chaque eucharistie, Jésus nous a demandé de le faire ; nous accomplissons sa volonté.
« Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. »
L’évangile nous a rapporté un autre évènement de la même soirée qui nous signifie cet amour jusqu’au bout : Jésus, lui le maître et le Seigneur, lave les pieds de ses disciples, comme un esclave. Il mourra d’ailleurs comme un esclave, sur une croix.
Il sera dévêtu pour porter sa croix ; il a ce soir déposé son vêtement, comme je vais déposer la chasuble. C’est toute sa vie qu’Il a déposée pour nous la donner. « Ceci est mon corps, donné pour vous. » C’est le même amour dans l’Eucharistie, dans le lavement des pieds et sur la Croix. Jésus ne s’impose pas, Il se livre entre nos mains. Il s’offre à nous, impuissant, de la crèche à la croix, et nous entraîne sur ce chemin. « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » Ce geste symbolique du lavement des pieds donne le sens profond de l’Eucharistie ; Jésus donne sa vie par amour pour chacun de nous. Jésus se met à notre service. Il se fait nourriture et breuvage.
Donner notre vie pour les autres, au sens de verser son sang, n’est pas demandé à tous. Mais à tous, il nous est demandé de donner notre vie dans le service. De déposer nos vêtements d’apparats, notre orgueil, notre rang, nos habitudes pour servir. Pourquoi la vie ? demandait l’apôtre des lépreux, Raoul Follereau : pour servir ! Et j’ajouterai, pour contempler Jésus. Pour servir mon prochain et pour adorer Jésus.
Car devant tant d’amour de la part de Jésus pour moi, comment puis-je lui rendre amour pour amour. C’est ma seconde partie.
Dans le discours du Pape François
au colloque sur le sacerdoce en février dernier, que j’ai cité à l’homélie de la messe Chrismale, il détaillait les 4 proximités du prêtre : avec Dieu, avec l’évêques, entre prêtres et avec le saint peuple de Dieu. Je le cite à propos de la proximité avec Dieu : « De nombreuses crises sacerdotales ont pour origine une vie de prière pauvre, un manque d’intimité avec le Seigneur, une réduction de la vie spirituelle à une simple pratique religieuse. (…) « Comment va ta vie spirituelle ? » – « Bien ! Je fais oraison le matin, je prie le chapelet, je prie la Sainte Vierge, je prie le bréviaire… Je fais tout. » Non, c’est (là seulement) une pratique religieuse. Mais comment va ta vie spirituelle ? (…) Il n’a pas ressenti le besoin de dire au Seigneur : « Au revoir, à demain, merci beaucoup ! ». Ce sont les petits gestes qui révèlent l’attitude d’une âme sacerdotale. » Fin de citation et nous pouvons l’appliquer à toute âme chrétienne.
Le futur Saint Charles de Foucauld
nous entraîne dans cette proximité affectueuse avec le Seigneur, en particulier dans l’adoration. A la fin de cette messe, nous allons pouvoir vivre une heure sainte, accompagnant Jésus à Gethsémanie, avec ensuite la possibilité de se relayer toute la nuit. Voici quelques notes prises par frère Charles lors d’une retraite à Nazareth en novembre 1897 :
« Mon Dieu, que vous êtes bon : ce matin j’étais dans cette chère petite cellule où il fait si doux passer à vos pieds les heures silencieuses de la nuit, être en tête à tête avec vous pendant que tout dort sur la terre, passer seul à vous adorer, à se tenir à vos genoux vous disant que je vous aime pendant que tout est enseveli dans l’obscurité, le silence et sommeil !… Maintenant c’est la grâce des grâces… Je suis devant le Saint Sacrement, et le Saint Sacrement exposé ! Quelle félicité! Je suis près de vous, contre vous, mon Dieu ! Faites que i’y sois comme je le dois, donnez-moi les pensées, les paroles que je dois avoir, en vous, par vous, et pour vous… » (La dernière place – Nouvelle cité p. 36) Frère Charles poursuit sa prière : « Mon Dieu daignez me donner ce sentiment continuel de votre présence, de votre présence en moi et autour de moi,.. et en même temps cet amour craintif qu’on éprouve en présence de celle qu’on aime passionnément, et qui fait qu’on se tient devant elle sans pouvoir détacher d’elle les yeux, avec un grand désir et une pleine volonté de faire tout ce qui lui plait, tout ce qui est bon pour elle, et une grande crainte de faire, dire ou penser quelque chose qui lui déplaise ou lui fasse du mal.» (La dernière place p. 41)
Saint Jean-Paul II, dans son encyclique sur l’Eucharistie, se demandait : « Qu’est-ce que Jésus pouvait faire de plus pour nous ? Dans l’Eucharistie, il nous montre un amour qui va jusqu’au bout, un amour qui ne connaît pas de mesure. »
Alors frères et soeurs, rendons amour pour amour à notre Seigneur. « Jésus, fait moi la grâce de te servir en servant mes frères et soeurs et fait moi la grâce de t’adorer dans l’Eucharistie. »
« Adoro te devote » chantons-nous avec saint Thomas d’Aquin : « Je t’adore dévotement, Dieu caché qui sous ces apparences vraiment prends corps. (…) Jésus que sous un voile à présent je regarde. Je t’en prie, que se réalise ce dont j’ai tant soif, te contempler la face dévoilée (éternellement). »
Amen !