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Homélie du Jeudi Saint par Monseigneur Xavier Malle

Tous ses actes, Jésus les accomplis par pur amour : laver les pieds, instituer l’Eucharistie, instituer le sacerdoce de la Nouvelle Alliance

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Dimanche des Rameaux et de la Passion, nous avons médité sur Jésus entrant à Jérusalem pour donner sa vie, monté comme un serviteur sur un âne. Les maîtres eux sont montés sur des chevaux. Jésus serviteur va être le fil rouge que je vous propose pour ce Triduum pascal 2019.
En ce jeudi saint, nous commémorons la dernière Cène, pendant laquelle Jésus fait un geste de serviteur, laver les pieds de ses apôtres, symbole de ce que va être l’Eucharistie qu’il institue ce même jour, le service du salut, qu’il confie à ses apôtres qui se choisirons leurs successeurs, les évêques, qui eux même ordonnent les prêtres.
Jean précise au début de cet évangile ce qui anime Jésus : « Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout. » Tous ses actes, Jésus les accomplis par pur amour : laver les pieds, instituer l’Eucharistie, instituer le sacerdoce de la Nouvelle Alliance ; je vais développer chacun de ces trois actes.
I. Jésus commence ainsi par l’humble service du lavement des pieds. 
Les pieds, ce qui nous permet de marcher, d’avancer. Certes, ce devait être assez habituel, de se faire laver les pieds par ses serviteurs après une longue route dans des sandales, sur les chemins de terre de Galilée et de Judée. En st Luc chapitre 7, rappelez-vous quand Jésus répond au pharisien qui lui reprochait d’avoir laissé une pècheresse lui arroser les pieds de ses larmes : « Je suis entré chez toi, et tu ne m’as pas versé d’eau sur les pieds ; elle au contraire, m’a arrosé les pieds de ses larmes et les a essuyé avec ses cheveux. »
Alors on comprends le refus de st Pierre, « Tu ne me laveras pas les pieds ; non jamais. » Jésus prends le temps d’expliciter son geste inhabituel : « Vous m’appeler Maitre et Seigneur, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » 
Frères et soeurs, nous devons à la suite de Jésus nous laver les pieds les uns les autres, c’est à dire nous soigner ce qui nous permet d’avancer. Nous aussi évêques et prêtres sommes invités à une suite du Christ conforme à l’attitude de Celui qui a lavé les pieds de ses disciples. Nous voyons alors que l’autorité dans l’Eglise ne s’exerce pas comme dans le monde. St Matthieu l’exprimera au chapitre 20, versets 24-28 : « Vous savez que les chefs des nations commandent en maîtres et que les grands font sentir leur pouvoir. Il n’en doit pas être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous se fera votre serviteur (…) C’est ainsi que le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. »
II. Second acte, après avoir lavé les pieds de ses apôtres, Jésus prends le pain et le vin. 
C’est le récit de l’institution de l’Eucharistie, rapporté par les 3 évangélistes Mt, Marc et Luc, et par St Paul dans la seconde lettre aux Corinthiens, notre seconde lecture.
Ce repas,  – st Jean précisant bien qu’il était « avant la fête de la Pâques » -, ce repas est le repas pascal, qui commémore la sortie d’Egypte. Nous avons entendu le récit du livre de l’Exode au chapitre 12 : « que l’on prenne un agneau par famille… on prendra du sang que l’on mettra sur les deux montants et les linteaux des maisons… on le mangera » …  prêts à partir au signal donné, avec le pain qui n’aura pas eu le temps de lever, le pain azyme. Le signal sera terrible, la mort des premiers nés au pays d’Egypte, à l’exception des premiers nés des hébreux qui accompliront ce que Moïse leur a transmis. 
Quel en est le sens pour nous ? Le sang – symbole de la vie -, le sang d’un agneau a protégé les hébreux de la mort et les a fait quitter l’esclavage en Égypte, pour la liberté de servir Dieu en Terre Promise. Dieu avait demandé à Moïse de dire à Pharaon (Exode 7,16) : « Laisse partir mon peuple, pour qu’il me serve dans le désert. » 
Jésus accomplissant ce repas pascal en souvenir de cette première Pâques, dit : « cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang ». C’est la première eucharistie.
Le sang de Jésus nous fait ainsi passer de l’esclavage du péché pour nous conduire à la Terre Promise où nous pourrons servir Dieu. 
Action du Christ, la célébration eucharistique est en réponse de notre part une louange de Dieu, une action de grâce. Mais le résultat est aussi une transformation de la vie des personnes qui célèbrent l’Eucharistie. En assimilant le corps du Christ, nous devenons le corps du Christ. La célébration de l’Eucharistie est ainsi la réalisation de l’Eglise. L’Eglise fait l’Eucharistie, l’Eucharistie fait l’Eglise; disait un saint. L’Eglise n’est pas une association de gens qui partagent la même croyance. Elle est née au Cénacle lors de la Cène et elle se réalise dans chaque messe. Nous communions au même corps du Christ. Notre union alors devrait être au niveau de ce que nous vivons !
III. Au service de cette nouvelle Alliance, Jésus fait un troisième geste, il fonde le sacrement de l’ordre au moment même où il institue l’Eucharistie : « faites cela en mémoire de moi ».
Le prêtre est serviteur, serviteur de l’Eucharistie. Il n’oublie pas qu’avant d’être ordonné prêtre, il a été configuré au Christ serviteur dans l’ordination diaconale, et cela ne s’efface pas. Idem pour l’évêque, et pour le lui rappeler, la tradition liturgique l’encourage quand c’est possible, et c’est le cas à chaque fois que je célèbre ici à la cathédrale, à porter une dalmatique, le vêtement liturgique du diacre, sous la chasuble, le vêtement liturgique du prêtre. 
Dans l’homélie de la messe Chrismale, mardi saint à Embrun, que je vous invite à retrouver sur le site internet du diocèse, je suis revenu longuement sur la crise multiforme de l’Eglise en France, de la déchristianisation aux abus en tout genre. Je vous renvoie encore à ma lettre pastorale d’octobre dernier intitulée «Pour une Eglise déterminée». La solution n’est pas la remise en cause du sacerdoce, mais la sanctification des prêtres. Pourtant certains commentateurs vont jusqu’à remettre en cause la théologie catholique du prêtre qui agit « in persona Christi ». Elle serait à la source des abus. Alors prenons le temps d’approfondir : il ne s’agit pas d’un agir « au nom de », ou « par procuration de », car effectivement le danger d’abus de pouvoir serait grand, il s’agit d’une identification sacramentelle du prêtre au grand prêtre éternel. En quelque sorte, quand il célèbre les sacrements, le prêtre met tout son être au service du grand prêtre éternel, s’efface devant lui. On comprends alors pourquoi le célibat consacré convient hautement au prêtre identifié au Christ qui n’hésita pas à choisir le célibat pour révéler l’amour exclusif porté par Dieu à chaque être humain.
Quand je dis les paroles du sacrement : « ceci est mon corps », ou « je te pardonne tes péchés », saint Paul l’explicite ainsi : « ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ».
Alors ce n’est pas mettre les prêtres sur un piédestal que de leur rappeler la beauté de leur vie. C’est leur rappeler qu’ils doivent être tout petits, à l’image de ce que disait saint Jean-Baptiste : « il faut qu’Il grandisse et que je diminue ».
Le prêtre est par nature le tout petit, le plus humble, l’humble serviteur, pour laisser toute la place à Jésus.
A une personne qui un jour m’a conseillé : « monseigneur, il faut tenir votre rang », j’aurai dû lui répondre, oui, le rang de Jésus. «Il a tellement pris la dernière place que personne n’a pu la lui ravir», dira Charles de Foucauld. Le rang du serviteur qui lave les pieds de ses apôtres.
C’est cette dernière place, que je vis ce soir en vous lavant les pieds chers chrétiens. C’est jusqu’à la dernière place que demain vendredi nous allons accompagner notre maître et Seigneur, au chemin de La Croix, et à l’office de la passion. 
« Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout. »
Amen.

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Cet article a été rédigé par le service communication du diocèse de Gap.